L’existence ou la reconnaissance de droits distincts pourrait sembler à première vue incompatible avec le droit à l’égalité inscrit dans nos chartes des droits et libertés.
Dans ce domaine, on confond souvent égalité et similitude. À cet égard, le texte même de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec nous aide à mieux comprendre le véritable sens qu’il faut donner au droit à l’égalité. Dans le préambule, il est indiqué que tous les êtres humains sont avant tout « égaux en valeur et en dignité ». On n’y indique donc nullement que tous les êtres humains doivent être semblables. Bien au contraire! Le respect des différences est à la base même de nombreux autres droits et libertés fondamentales, qu’il s’agisse du respect de la liberté de conscience, de la liberté des opinions, de la liberté de religion ou des croyances religieuses. Et le droit à sa propre vie culturelle est tout autant un droit de la personne qui peut notamment s’exprimer par un certain mode de vie relié à un territoire et à l’utilisation des ressources naturelles.
Par ailleurs, les Autochtones
Au Québec, on reconnaît l’existence de 11 nations autochtones : Abénaquis (Waban-Aki), Algonquins (Anishnabeg), Atikamekw Nehirowisiwok, Cris (Eeyou), Hurons-Wendat, Inuit, Malécites (Wolastoqiyik), Mi’gmaq (Micmacs), Mohawks (Kanien’kehá:ka), Innus (Montagnais) et Naskapis. Dans tout le Canada, on parle de près d’une soixantaine de nations autochtones.
Après la capitulation de Québec, en 1759, et celle de Montréal, en 1760, les Britanniques instaurent un régime d’occupation militaire.
Le 7 octobre 1763, la Proclamation royale définit de nouvelles structures administratives pour la Province de Québec.
Le 22 juin 1774, l’Acte de Québec est sanctionné à Londres. L’Acte de Québec rétablit officiellement le droit civil français.
Plusieurs changements législatifs ont lieu jusqu’à la Confédération de 1867.
Au Canada, dans les relations avec les peuples autochtones, il existe deux types de traités : ceux dits de paix et d’amitié et ceux dits territoriaux, c’est-à-dire ceux touchant plus spécifiquement les terres et les titres fonciers.
Dans l’esprit du gouvernement, les traités territoriaux avaient pour objectif d’éliminer tout obstacle à la colonisation et d’inciter les membres des Premières Nations à abandonner leurs terres, leurs modes de vie et à s’assimiler.
Un statut distinct depuis le régime français
Jusqu’en 1760 : Sous le Régime français, | des « alliés de sa Majesté Très Chrétienne ». (Article 40 de l’Acte de capitulation de Montréal, 1760) |
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1763 : Sous le Régime anglais, | des « nations et tribus » dont il faut assurer la « protection ». (Proclamation royale, 1763) |
1867 : Dans l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, | des « Indiens » et des « terres réservées aux Indiens », sous la compétence exclusive du fédéral. (Article 91.24 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, 1867) |
1876 : Dans la Loi sur les Indiens, | des pupilles de l’État sous la tutelle fédérale. |
1935 : Dans un jugement de la Cour suprême, | le terme « Indien » comprend « la race d’Esquimaux ». Par ce jugement, le statut des Inuits est précisé. Ils relèvent du fédéral mais demeureront expressément exclus de l’application de la Loi sur les Indiens. |
1982 : Dans la Constitution du Canada et dans la Charte canadienne des droits et libertés | « les Indiens, les Inuits et les Métis » sont des « peuples autochtones », bénéficiant de « droits ancestraux ou issus de traités ». (Article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et article 25 de la Charte canadienne des droits et libertés) |
Une reconnaissance internationale des droits des peuples autochtones
Selon l’UNESCO (Organisation des Nations
Ce n’est pas d’aujourd’hui que les peuples autochtones des Amériques ont cherché à utiliser des recours internationaux afin d’obtenir justice. Les premières démarches ont pris la forme d’appels, de pétitions et de requêtes auprès des autorités impériales des différents pays colonisateurs. Régulièrement, à partir du XVIIIe siècle, des délégations et différents ambassadeurs autochtones se sont rendus à Londres. Ce fut le cas en 1825, du Grand Chef huron Nicolas Vincent avec trois autres chefs de la Jeune-Lorette. Ils rencontrèrent le roi Georges IV dans l’espoir d’obtenir gain de cause dans un litige relatif aux terres de la Seigneurie de Sillery. Malheureusement la responsabilité de régler ce litige fut renvoyée aux autorités locales. La création de la Société des Nations en 1919 semblait offrir une voie prometteuse. Nous avons vu cependant, dans Un objectif avoué d’assimilation, que le chef iroquois Deskaheh a tenté sans succès d’y faire entendre la cause de sa petite nation.
En 1945, la création de l’Organisation des Nations Unies (ONU)
Il faudra attendre au début des années 1970 pour qu’un intérêt marqué pour les questions autochtones se manifeste au sein des Nations Unies. La Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités a réalisé une vaste étude sur la discrimination à l’égard de ces populations. Au terme de dix années de travaux, le rapport qui en a résulté est impressionnant et percutant comme en fait foi ce court extrait :
On a enlevé aux populations autochtones la plus grande partie de leurs terres, et celles qui leur restent font l’objet d’intrusions constantes. Leur culture, leurs institutions et leurs systèmes sociaux et juridiques sont constamment attaqués à tous les niveaux par les moyens d’information, les lois et les systèmes officiels d’enseignement. Il est donc tout naturel qu’elles se soient opposées à ce qu’on leur enlève encore d’autres terres, qu’elles rejettent toute déformation ou négation de leur histoire et de leur culture et qu’elles réagissent, par la défensive ou l’offensive, contre les agressions linguistiques et culturelles permanentes et contre les atteintes à leur mode de vie, à leur intégrité sociale et culturelle, voire à leur existence physique. Elles ont le droit de continuer d’exister, de défendre leurs terres, de conserver et de transmettre leur culture, leur langue, leurs institutions et leurs systèmes sociaux et juridiques ainsi que leur mode de vie qui font l’objet d’atteintes illégales et abusives.
La création, en 1982, du Groupe de travail sur les populations autochtones, est l’élément le plus significatif de l’ouverture de l’ONU à la situation de ces peuples. Le Groupe de travail s’est attaqué rapidement à l’élaboration d’un projet de normes internationales. C’est ainsi qu’en 1993, il a mis la touche finale à un projet de Déclaration des droits des peuples autochtones en vue de son adoption éventuelle par l’Assemblée générale des Nations Unies. Entre-temps, l’Assemblée générale consacrait 1993 « Année internationale des populations autochtones » ainsi que 1994-2003, « Décennie internationale des populations autochtones ». Elle a également approuvé l’idée de créer au sein du système des Nations Unies, « une instance permanente pour les populations autochtones ».
Trente années d’efforts soutenus en vue d’une reconnaissance internationale, voilà qui méritait un dénouement heureux. Il est survenu le 15 septembre 2007 lorsque l’Assemblée générale des Nations unies a adopté la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Les enjeux étaient importants puisque la déclaration reconnaît que les Autochtones constituent non pas des minorités raciales, ethniques, religieuses ou linguistiques mais bien des peuples libres et égaux à tous les autres peuples et qui « ont le droit à l’autodétermination » (article 3). En matière de développement des ressources sur les terres autochtones la Déclaration veut mettre fin aux politiques unilatérales des États. Son article 32, notamment, établit que les États sont tenus de consulter les peuples autochtones et de coopérer avec eux « en vue d’obtenir leur consentement, donné librement et en connaissance de cause, avant l’approbation de tout projet ayant des incidences sur leurs terres ou territoires… » (Nations Unies, Assemblée générale, 2007)
Dans un article paru dans la Revue générale de droit, l’avocat d’origine crie, Roméo Saganash précise ce que représente pour les Autochtones la reconnaissance du droit à l’autodétermination :
Il n’est pas nécessaire toutefois d’être un expert en droit international pour déterminer ce qu’est le droit d’un peuple à l’autodétermination. C’est fondamentalement le droit d’exister, de s’épanouir comme peuple et d’être respecté comme tel par les autres peuples. C’est l’équivalent, au plan collectif, du droit à l’égalité, à la dignité et à la liberté pour une personne humaine. Vu dans cette perspective, le droit à l’autodétermination est un droit inaliénable, indivisible et universel.