Depuis la création de la Confédération en 1867, les Indiens
Pour comprendre d’où vient cette particularité, il faut remonter à la Conquête où la Couronne britannique désire s’allier les nations
Au Québec, on reconnaît l’existence de 11 nations autochtones : Abénaquis (Waban-Aki), Algonquins (Anishnabeg), Atikamekw Nehirowisiwok, Cris (Eeyou), Hurons-Wendat, Inuit, Malécites (Wolastoqiyik), Mi’gmaq (Micmacs), Mohawks (Kanien’kehá:ka), Innus (Montagnais) et Naskapis. Dans tout le Canada, on parle de près d’une soixantaine de nations autochtones.
Cependant, lorsque le gouvernement du Canada adopte sa première Loi sur les Indiens, en 1876, un véritable glissement s’effectue dans l’administration des affaires indiennes. Ces « nations et tribus » dont il fallait assurer la « protection » seront placées sous la tutelle
Dans le cadre de la Loi sur les Indiens, le concept révèle une réalité bien distinctive puisqu’il concerne autant des individus que des communautés entières. Comme le souligne Me Renée Dupuis, auteure d’un ouvrage sur la question indienne au Canada (Dupuis, 1991) « Révisée en 1951, la loi fédérale constitue un véritable régime de tutelle des Indiens (tant individuellement que collectivement) et des terres qui leur sont réservés. En fait, les Indiens ont un statut équivalent à celui d’un enfant mineur, puisqu’ils sont soumis au contrôle du gouvernement qui a l’autorité de décider pour eux. Il s’agit d’un encadrement de tous les aspects de la vie des individus et des communautés : de la naissance à la mort d’un indien, de la création d’une bande à la cession d’une réserve… ».
Notons que plusieurs Premières Nations au Canada, dont les nations crie et naskapie au Québec, ne sont plus soumises à la Loi sur les Indiens.
Me Renée Dupuis, auteure d’un ouvrage sur la question indienne au Canada, résume bien ce régime de tutelle :
Révisée en 1951, la loi fédérale constitue un véritable régime de tutelle des Indiens (tant individuellement que collectivement) et des terres qui leur sont réservées. En fait, les Indiens ont un statut équivalent à celui d’un enfant mineur, puisqu’ils sont soumis au contrôle du gouvernement qui a l’autorité de décider pour eux. Il s’agit d’un encadrement de tous les aspects de la vie des individus et des communautés
communautés: de la naissance à la mort d’un Indien, de la création d’une bande à la cession d’une réserve. Responsable de ce régime au nom du gouvernement, le ministre des Affaires indiennes en détient tous les pouvoirs. Ce régime de tutelle détermine aussi bien le statut d’Indien que l’appartenance à la bande, la structure politique et administrative que la gestion des réserves, les exemptions de taxes et l’administration financière tout en faisant des Indiens des pupilles de l’État.Lieu géographique où résident et auquel s’identifient certains membres des Premières Nations et Inuit. Dans le cas des Premières Nations on utilise parfois le terme « réserve » bien que le terme communauté est à privilégier.
Jusqu’en 1985, la renonciation à l’identité indienne était le prix à payer pour acquérir tous les attributs de la citoyenneté. La loi prévoyait en effet qu’un Indien ou même toute une communauté indienne puisse demander l’émancipation
Malgré des correctifs apportés en 1985 et une politique gouvernementale favorisant une plus grande autonomie des Premières Nations
Ainsi une personne dira : Je suis de la Première nation naskapie de Kawawachikamach, ou je suis de la Première nation Atikamekw de Manawan ou Première nation Mohawk d’Akwesasne etc. marquant ainsi à la fois sa nation d’appartenance et son lieu d’origine ou de résidence.
La prétendue « égalité » du livre blanc de 1969
En 1969, Jean Chrétien, alors ministre des Affaires indiennes et du Nord sous le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau, rend public un document intitulé La politique indienne du Gouvernement du Canada. Ce Livre blanc suscita un refus unanime et provoqua une mobilisation sans précédent de tous les organismes autochtones à travers le Canada.
La « société juste » promise par le gouvernement libéral exigeait, selon les auteurs du document, que l’on mette fin à la tutelle fédérale. Qu’avait-on à offrir en retour? L’égalité de tous les citoyens et la fin du statut spécial des Autochtones, comme en font foi ces deux extraits du Livre blanc :
Le Gouvernement croit à l’égalité. À ses yeux tous les hommes et toutes les femmes ont des droits égaux. Il est résolu à ce que tous soient traités
traitésavec équité et que nul ne soit désormais écarté de la vie canadienne, surtout pour des motifs de caractère ethnique.Façon très ancienne, mais aussi très moderne d’établir des relations pacifiques entre peuples et nations.
Au Canada, dans les relations avec les peuples autochtones, il existe deux types de traités : ceux dits de paix et d’amitié et ceux dits territoriaux, c’est-à-dire ceux touchant plus spécifiquement les terres et les titres fonciers.
Dans l’esprit du gouvernement, les traités territoriaux avaient pour objectif d’éliminer tout obstacle à la colonisation et d’inciter les membres des Premières Nations à abandonner leurs terres, leurs modes de vie et à s’assimiler.[…] À long terme il y a lieu de faire disparaître de la constitution toutes les allusions à l’Indien, faute de quoi on ne saurait supprimer la distinction juridique actuelle entre lui et les autres Canadiens. À court terme on peut chercher une solution au moins partielle au problème en révoquant la Loi sur les Indiens et en faisant adopter certaines dispositions de caractère transitoire en vue d’assurer une gestion rationnelle des terres indiennes.
Généreuse en apparence, cette proposition d’égalité suscita la colère et l’indignation. La réaction fut d’autant plus vive que, l’année précédente, bon nombre de leaders autochtones avaient accepté, sur une base provinciale, de participer à des « comités consultatifs » institués par le ministère des Affaires indiennes. La réponse des milieux autochtones fut donc immédiate et virulente. Un leader autochtone de l’Alberta, Harold Cardinal, répliqua aussitôt par la publication d’un livre désormais célèbre : The Injust Society. The Tragedy of Canada’s Indians. Dès la première page, l’auteur affirme que les Indiens du Canada, une fois de plus, sont « trahis par un programme qui n’offre rien de moins que le génocide culturel ». La politique présentée en juin 1969 est « un programme à peine voilé d’extermination par le biais de l’émancipation ». Ne mâchant pas ses mots, Cardinal ajoute que pour survivre, « l’Indien doit devenir un bon petit blanc au teint foncé ». Et l’auteur poursuit en affirmant que si les Américains vivant plus au sud avaient inventé le dicton « Le seul bon Indien est un Indien mort », au Canada, on s’apprêtait à modifier légèrement la formule par « Le seul bon Indien est un non-Indien » (Cardinal, 1969 : 1, notre traduction).
Un peu plus loin, Harold Cardinal souligne l’étrange ressemblance de la proposition du Livre blanc avec la politique d’extinction (policy of termination) poursuivie aux États-Unis au début des années 50. Cette politique, amorcée sous le gouvernement Eisenhower, avait eu des résultats désastreux, notamment sur les terres indiennes. Elle fut finalement abandonnée (Cardinal, 1969 : 133).
En juin 1970, les chefs indiens de l’Alberta répliquent à leur tour en rendant public leur Livre rouge intitulé Citizens Plus, lors d’une rencontre à Ottawa avec le Premier ministre Trudeau et le ministre des Affaires indiennes (debout à droite sur la photo). Ils reprennent ainsi, à leur compte, par ce titre, une des recommandations principales du Rapport Hawthorn-Tremblay, publié en 1966. Dans leur étude sur la situation des Indiens du Canada, ces derniers avaient recommandé, non pas la fin du statut spécial des Indiens, mais plutôt leur reconnaissance en tant que « citoyens avantagés », puisqu’en plus « des droits et des devoirs qui découlent normalement de la citoyenneté, les Indiens détiennent certains droits supplémentaires en leur qualité de membres privilégiés de la collectivité canadienne » (Hawthorn et Tremblay, 1966, I : 11).
Les signataires du Livre rouge sont d’autant plus inquiets qu’ils représentent des nations qui ont signé des traités en 1876, 1877 et 1899. L’occasion est tout indiquée pour rappeler au gouvernement les promesses solennelles exprimées par les représentants de la Couronne lors des négociations de ces accords. Les commissaires de traités ont bel et bien indiqué que leurs promesses seraient honorées, « aussi longtemps que le soleil brillera et que les rivières couleront ».
La politique mise de l’avant dans le Livre blanc fut finalement abandonnée. Une des conséquences positives fut le développement et la consolidation des organisations politiques autochtones dans chacune des provinces et à l’échelle canadienne. En 1970, la Fraternité nationale des Indiens du Canada voit le jour. Elle deviendra, en 1980, l’Assemblée des Premières Nations, à l’occasion des discussions entourant le rapatriement de la Constitution canadienne. Le travail de ces nouvelles organisations a porté fruit. En 1982, le Parlement du Canada adoptait des dispositions constitutionnelles visant à mieux protéger les droits fondamentaux des peuples autochtones, un revirement complet si l’on considère la politique élaborée treize ans plus tôt.