Sur le plan politique, les diverses nations
Au Québec, on reconnaît l’existence de 11 nations autochtones : Abénaquis (Waban-Aki), Algonquins (Anishnabeg), Atikamekw Nehirowisiwok, Cris (Eeyou), Hurons-Wendat, Inuit, Malécites (Wolastoqiyik), Mi’gmaq (Micmacs), Mohawks (Kanien’kehá:ka), Innus (Montagnais) et Naskapis. Dans tout le Canada, on parle de près d’une soixantaine de nations autochtones.
En 1923-24, le chef Deskaheh fait appel à la Société des nations
Le gouvernement canadien contre-attaque et impose des élections
En 1923-24, le chef cayuga Levi General surnommé Deskaheh, de la réserve des Six Nations, en Ontario, séjourne toute une année à Genève dans l’espoir de faire entendre la cause de sa petite nation devant la Société des nations (SDN) et la Cour internationale de justice. Son but est de faire reconnaître sa nation comme entité souveraine. À l’origine, un différend oppose les autorités des Six Nations au gouvernement canadien relativement à leur indépendance envers les lois canadiennes, principalement la Loi sur les Indiens, que le gouvernement fédéral tente d’imposer.
Alors qu’à Genève Deskaheh obtient un certain succès diplomatique auprès de quelques pays membres de la SDN, la réplique du gouvernement canadien est implacable. Les diplomates de quelques pays ouverts à la revendication autochtone sont rappelés à l’ordre. Mais, surtout, le gouvernement canadien déstabilise les Six Nations en misant sur une faction dissidente à l’intérieur de la communauté
Rois et maîtres à l’intérieur des réserves
Jusqu’aux années 1960, les agents des Affaires indiennes, présents dans chacune des réserves, exerçaient un pouvoir quasi absolu à l’intérieur de ces communautés. Ils réglaient presque tous les aspects de la vie quotidienne, allant jusqu’à émettre des laisser-passer autorisant les indiens à quitter la réserve, même de façon temporaire.
Sur les plans social et culturel, des célébrations et des rituels sont touchés d’interdiction, comme le prévoit la Loi sur l’Avancement des sauvages de 1884 :
Tout sauvage ou autre personne qui participe ou assiste à la célébration de la fête sauvage désignée sous le nom de » Potlache « , ou à la danse sauvage désignée sous le nom de » Tananawas » est coupable de délit et passible d’incarcération pendant un terme de six mois ou plus, ou deux mois au moins dans toute prison ou autre lieu de détention; et tout sauvage ou autre personne qui encourage, directement ou indirectement, un sauvage ou des sauvages à organiser ou célébrer cette fête ou cette danse, ou qui y prend part, est coupable du même délit et passible de la même peine.
Ces interdictions ont été abolies en 1951 à la suite, dit-on, des pressions exercées par le lobby des organisateurs du Stampede de Calgary qui comptaient sur les danses indiennes pour rehausser le prestige de leur foire annuelle.
Cependant, c’est le système des agents des Affaires indiennes qui a symbolisé la véritable mainmise du Ministère sur la vie interne des communautés. Le système et l’encadrement administratif prévus par la loi ont véritablement miné toute forme d’autonomie au profit d’une approche paternaliste. On décidait pour l’Indien ce qui était bon pour lui.
Le gouvernement de la nation indienne de l’amérique du nord est mis sur pied en 1945
En 1945, le gouvernement de la Nation indienne de l’Amérique du Nord est mis sur pied, à l’initiative de Jules Sioui, un Huron de Lorette. Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, Jules Sioui s’insurge contre la volonté du gouvernement fédéral de soumettre les Indiens à la conscription obligatoire. Les Indiens n’ont pas droit de vote car ils ne sont pas considérés comme ayant les attributs de la citoyenneté. Lors de la guerre de 1914-1918, les Indiens avaient été expressément exclus de l’enrôlement obligatoire. Un grand nombre d’entre eux s’étaient tout de même portés volontaires. Le même scénario s’est produit à partir de 1939, mais Sioui estimait que si les Indiens choisissaient de se battre dans les forces armées, ce devait être en toute liberté et à titre d’alliés du Roi, et non à titre de sujets de Sa Majesté.
La campagne menée par Jules Sioui pour l’indépendance de sa nation amena la proclamation, en 1945, du Gouvernement de la Nation indienne de l’Amérique du Nord. C’est un Algonquin de l’Ontario, Bernard Commanda, qui en est nommé le chef suprême. Tour à tour, Francis Pegahmagabow et William Commanda, deux illustres personnages, occupèrent également cette fonction au cours des années suivantes. Lors de la tenue de la deuxième session de ce gouvernement en 1947, les délégués adoptèrent leur propre Loi indienne, un véritable pied de nez à la Loi sur les Indiens que le gouvernement fédéral s’apprêtait à réviser.
On constate avec intérêt qu’un passage de la Proclamation du Gouvernement de la Nation indienne de l’Amérique du Nord, diffusée en 1959, se réfère de façon explicite à la Charte constituante de l’Organisation des Nations unies :
Les droits de l’homme reconnus dans la Charte internationale par l’Assemblée générale des Nations unies, couvrent toute l’humanité sans exception. Cette loi nous accorde les mêmes droits qu’à n’importe quelle autre nation. Soyons unis afin d’être reconnus comme une véritable nation.
Ce mouvement politique, audacieux pour l’époque, prévoit même la création d’une Banque nationale indienne. Chaque Indien est en outre invité à se procurer une carte d’enregistrement ou carte de membre. Cette carte, que de nombreux membres des Premières Nations
Ainsi une personne dira : Je suis de la Première nation naskapie de Kawawachikamach, ou je suis de la Première nation Atikamekw de Manawan ou Première nation Mohawk d’Akwesasne etc. marquant ainsi à la fois sa nation d’appartenance et son lieu d’origine ou de résidence.
Mais cette affirmation d’autonomie gouvernementale aura son prix. Le secrétaire trésorier Jules Sioui est arrêté et, avec quatre autres membres de l’organisation, il est accusé d’avoir conspiré « dans le but de semer le mécontentement et la haine parmi les sujets de Sa Majesté, les Indiens du Canada, en leur laissant croire qu’il avait institué un état spécial pour les Indiens de l’Amérique du Nord et que ceux-ci n’étaient plus astreints aux lois du pays ». Jules Sioui, ainsi que le chef Michel Vachon de Betsiamites, Michel Vachon de Sept-Îles (son homonyme), John Chabot de Maniwaki, un certain Gabriel de Sturgeon Falls et d’autres sont déclarés coupables de conspiration séditieuse et passibles d’un emprisonnement de deux ans (Sioui c. Le Roy, 1949).
Même si ce jugement fut cassé en appel, le gouvernement porta la cause en Cour suprême. C’est alors que Jules Sioui entreprit une grève de la faim qui dura soixante-douze jours. Finalement, le gouvernement mit alors fin à sa poursuite (Tsiewei, 1994 : 17). Ce mouvement politique, qui existe toujours aujourd’hui, a été particulièrement actif dans les années 1950 et 1960. Selon William Commanda (entrevue personnelle en 2009), ce mouvement politique a regroupé au cours de cette période jusqu’à 6 000 membres.