Comment en sommes-nous arrivés là? Au point de départ le statut d’Indien
Au Québec, on reconnaît l’existence de 11 nations autochtones : Abénaquis (Waban-Aki), Algonquins (Anishnabeg), Atikamekw Nehirowisiwok, Cris (Eeyou), Hurons-Wendat, Inuit, Malécites (Wolastoqiyik), Mi’gmaq (Micmacs), Mohawks (Kanien’kehá:ka), Innus (Montagnais) et Naskapis. Dans tout le Canada, on parle de près d’une soixantaine de nations autochtones.
Jusqu’à très récemment, la notion d’émancipation
Article 109 : Lorsque le Ministre signale, dans un rapport, qu’un Indien a demandé l’émancipation et qu’à son avis, ce dernier a) est âgé de vingt et un ans révolus, b) est capable d’assumer les devoirs et les responsabilités de la citoyenneté, et c) pourra, une fois émancipé, subvenir à ses besoins et à ceux des personnes à sa charge, le gouverneur en conseil peut déclarer par ordonnance que l’Indien, son épouse et ses enfants mineurs célibataires sont émancipés.
L’émancipation était donc la voie privilégiée par la Loi sur les Indiens pour ne plus être légalement un Indien et pour acquérir tous les attributs de la citoyenneté. Notons qu’au Québec, le Code civil a pourtant fixé dès 1971 l’âge de la majorité à dix-huit ans accomplis. Tel que vu dans cet extrait de la loi, il n’en fut pas de même pour les Indiens. Jusqu’en 1985, on exigeait toujours de l’Indien qu’il ait l’âge de 21 ans révolus pour demander l’émancipation.
Et si pour la majorité des gens l’acquisition de la citoyenneté était automatique et sans condition dès la naissance, il n’en fut pas de même pour l’Indien. Le ministre des Affaires indiennes, à titre de tuteur, devait être d’avis que cet Indien était capable d’assumer les devoirs et les responsabilités de la citoyenneté. L’incongruité ne s’arrête pas là. Le ministre devait être aussi d’avis que cet Indien était en mesure de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Et la Loi sur les Indiens allait beaucoup plus loin en prévoyant, jusqu’en 1985, qu’une communauté
Article 112 : Lorsque le ministre signale, dans un rapport, qu’une bande a demandé l’émancipation et a soumis un projet en vue de la disposition ou du partage des fonds de la bande et des terres comprises dans la réserve et qu’à son avis elle est capable d’administrer ses propres affaires comme municipalité ou partie de municipalité, le gouverneur en conseil peut, par ordonnance, approuver le projet, déclarer que tous les membres de la bande sont émancipés à compter de la date de l’ordonnance, et édicter des règlements en vue de l’exécution du projet et des prescriptions du présent article.
Du point de vue des droits de la personne et à l’heure de la promotion du droit à l’égalité, pareilles mesures apparaissent relever d’un autre siècle. Pourtant, tel que mentionné, ce n’est qu’en 1985 que cette disposition arriérée sur l’émancipation a été abolie. Incroyable, n’est-ce pas? En fait, les seuls choix réservés aux Indiens ont toujours été les suivants : la tutelle
Dans le cadre de la Loi sur les Indiens, le concept révèle une réalité bien distinctive puisqu’il concerne autant des individus que des communautés entières. Comme le souligne Me Renée Dupuis, auteure d’un ouvrage sur la question indienne au Canada (Dupuis, 1991) « Révisée en 1951, la loi fédérale constitue un véritable régime de tutelle des Indiens (tant individuellement que collectivement) et des terres qui leur sont réservés. En fait, les Indiens ont un statut équivalent à celui d’un enfant mineur, puisqu’ils sont soumis au contrôle du gouvernement qui a l’autorité de décider pour eux. Il s’agit d’un encadrement de tous les aspects de la vie des individus et des communautés : de la naissance à la mort d’un indien, de la création d’une bande à la cession d’une réserve… ».
Notons que plusieurs Premières Nations au Canada, dont les nations crie et naskapie au Québec, ne sont plus soumises à la Loi sur les Indiens.
Ainsi une personne dira : Je suis de la Première nation naskapie de Kawawachikamach, ou je suis de la Première nation Atikamekw de Manawan ou Première nation Mohawk d’Akwesasne etc. marquant ainsi à la fois sa nation d’appartenance et son lieu d’origine ou de résidence.
Tenir à son identité collective signifiait vivre sous tutelle. Pourtant la plupart des citoyens non autochtones ont été maintenus complètement ignorants de ces dimensions rétrogrades de la Loi sur les Indiens, se contentant plutôt d’y voir un statut spécial qui conférerait de multiples privilèges.