La vraie nature de la Loi sur les Indiens

Comment en sommes-nous arrivés là? Au point de départ le statut d’Indien était vu comme un statut temporaire dont l’objectif ultime était l’intégration et l’assimilation complète à la société canadienne. Les populations autochtones étaient, en effet, en déclin au milieu du siècle dernier. On prévoyait leur disparition notamment face aux pressions de la colonisation et du développement. La Loi sur les Indiens devait faciliter cette transition vers l’assimilation.

Jusqu’à très récemment, la notion d’émancipation était au cœur de la Loi sur les Indiens. Cette disposition centrale de la loi était exprimée de la façon suivante :

Article 109 : Lorsque le Ministre signale, dans un rapport, qu’un Indien a demandé l’émancipation et qu’à son avis, ce dernier a) est âgé de vingt et un ans révolus, b) est capable d’assumer les devoirs et les responsabilités de la citoyenneté, et c) pourra, une fois émancipé, subvenir à ses besoins et à ceux des personnes à sa charge, le gouverneur en conseil peut déclarer par ordonnance que l’Indien, son épouse et ses enfants mineurs célibataires sont émancipés.

Jeune fille indienne de la tribu des Hurons.

Credit photo: Carte postale, ND Phot., vers 1906, coll. Pierre Lepage

Femmes de la nation crie fabriquant des raquettes au Grand Lac Mistassini, 1950.

Credit photo: M. G. Bédard, Archives nationales du Québec à Québec

L’émancipation était donc la voie privilégiée par la Loi sur les Indiens pour ne plus être légalement un Indien et pour acquérir tous les attributs de la citoyenneté. Notons qu’au Québec, le Code civil a pourtant fixé dès 1971 l’âge de la majorité à dix-huit ans accomplis. Tel que vu dans cet extrait de la loi, il n’en fut pas de même pour les Indiens. Jusqu’en 1985, on exigeait toujours de l’Indien qu’il ait l’âge de 21 ans révolus pour demander l’émancipation.

Et si pour la majorité des gens l’acquisition de la citoyenneté était automatique et sans condition dès la naissance, il n’en fut pas de même pour l’Indien. Le ministre des Affaires indiennes, à titre de tuteur, devait être d’avis que cet Indien était capable d’assumer les devoirs et les responsabilités de la citoyenneté. L’incongruité ne s’arrête pas là. Le ministre devait être aussi d’avis que cet Indien était en mesure de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Et la Loi sur les Indiens allait beaucoup plus loin en prévoyant, jusqu’en 1985, qu’une communauté entière puisse réclamer l’émancipation :

Article 112 : Lorsque le ministre signale, dans un rapport, qu’une bande a demandé l’éman­cipation et a soumis un projet en vue de la disposition ou du partage des fonds de la bande et des terres comprises dans la réserve et qu’à son avis elle est capable d’administrer ses propres affaires comme municipalité ou partie de muni­cipalité, le gouverneur en conseil peut, par ordonnance, approuver le projet, déclarer que tous les membres de la bande sont émancipés à compter de la date de l’ordonnance, et édicter des règlements en vue de l’exécution du projet et des prescriptions du présent article.

Du point de vue des droits de la personne et à l’heure de la promotion du droit à l’égalité, pareilles mesures apparaissent relever d’un autre siècle. Pourtant, tel que mentionné, ce n’est qu’en 1985 que cette disposition arriérée sur l’émancipation a été abolie. Incroyable, n’est-ce pas? En fait, les seuls choix réservés aux Indiens ont toujours été les suivants : la tutelle permanente ou l’assimilation. Pour les populations des Premières Nations qui désiraient garder leur identité et survivre comme collectivité, le choix ne se posait même pas.

Tenir à son identité collective signifiait vivre sous tutelle. Pourtant la plupart des citoyens non autochtones ont été maintenus complètement ignorants de ces dimensions rétrogrades de la Loi sur les Indiens, se contentant plutôt d’y voir un statut spécial qui conférerait de multiples privilèges.

Regroupement à Fort-Georges, 1896. À remarquer la forme très recourbée du canot d’écorce, de fabrication crie.

Credit photo: A. P. Low, gracieuseté de la Commission géologique du Canada

Une quarantaine de canots rassemblés au Grand Lac Victoria, vers 1930.

Credit photo: Carte postale, coll. Pierre Lepage

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