Sauvagerie et civilisation supérieure

Une grande méconnaissance des civilisations autochtones nous les font souvent voir comme des nomades primitifs, si démunis qu’ils auraient accueilli les nouveaux venus à bras ouverts. « Ils étaient des sauvages, et nous leur avons tout apporté ». Voilà une affirmation particulièrement malheureuse.

Est-ce vraiment la réalité? Nous oublions souvent que la colonie française en Amérique du Nord a eu besoin des Autochtones pour se maintenir. Pourquoi? Parce qu’elle était peu populeuse, plus faible numériquement que la colonie anglaise et surtout orientée, comme nous l’avons dit, vers le commerce des fourrures. Comme l’affirme le sociologue et historien Denys Delâge :

[…] dans le conflit inter-impérial qui opposait les empires français et anglais, ce dernier avait l’avantage d’être doté d’une marine plus forte, d’avoir ses marchandises à meilleurs prix et, surtout, de profiter du succès de son émigration vers l’Amérique du Nord. Déclassés, les Français n’eurent d’autre choix que de tirer leur force d’une alliance avec les nations autochtones. Cette alliance constitue un facteur décisif dans la capacité de maintien d’une entreprise coloniale française en Amérique malgré un désavantage numérique énorme vis-à-vis la colonisation britannique.

Denys Delâge, 1991

Voilà une lecture bien différente de l’histoire nationale. Mais surtout, la Nouvelle-France était un territoire immense. Imaginez! Elle s’étendait de l’Acadie jusqu’à la Nouvelle-Orléans. Comment la présence de quelques Français et de quelques petits forts construits çà et là aurait-elle pu permettre le maintien de cet « empire français » sur le continent? Impossible!

Carte : La Nouvelle-France au milieu du XVIIIe siècle

Credit photo: D’après une carte publiée dans Dupuis, Renée, 1991 : La Question indienne au Canada, p. 13.

La Nouvelle-France correspondait, en réalité, au territoire couvert par un ensemble d’alliances avec les nations autochtones. Dans ce vaste réseau d’alliances, on reconnaît maintenant que la relation était mutuelle et que le maintien de bonnes relations était de règle. D’ailleurs, la traite des fourrures aurait-elle été possible sans le maintien de ces bonnes relations? C’est l’évidence même!

Les traiteurs se familiarisaient avec les langues et les coutumes autochtones et entretenaient soigneusement les bonnes dispositions de leurs clients dans le but de les inciter à échanger le plus de fourrures possible. Les agents qui allaient vivre chez les Indiens adoptaient souvent leurs modes de vie, épousaient des autochtones, et se joignaient à eux pour chasser, pêcher et faire la guerre.

Denys Delâge, 1991

Loin de vivre dans des conditions peu enviables et de désirer s’intégrer et s’assimiler à la colonie française, les Autochtones, au contraire, ont exercé une fascination chez les Européens. Les mariages mixtes, par exemple, se sont faits plutôt, à une certaine époque, au détriment de la société française. Il est plus facile, disait Mère Marie de l’Incarnation, de faire d’un Français un Amérindien, que l’inverse.

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