Le vrai visage des communautés autochtones

En 1991, par exemple, tout juste avant la parution des premiers sondages cités plus haut, le ministre québécois responsable des Affaires autochtones qualifiait de « sous-développement dans presque tous les secteurs » les conditions de vie des Autochtones. Il mettait en relief « le fait que les Autochtones ont un taux d’analphabétisme fonctionnel quatre fois plus élevé que le taux québécois, une mortalité infantile trois fois et demie plus grande, un taux de suicide six fois plus élevé pour les moins de 20 ans, des revenus inférieurs de 33 %… » (Gouvernement du Québec, 1991)

Le financement des conseils de bande, un domaine qui alimente les préjugés

On s’étonne souvent de l’ampleur des budgets consentis aux conseils de bande, qui gèrent les services dans les réserves des Premières Nations, prenant à témoin la situation de municipalités de taille comparable. Pourtant, aucune municipalité du Québec n’a la responsabilité d’assurer les services de santé, l’éducation et les services sociaux. En matière d’habitation notamment, les restrictions découlant du régime de tutelle de la Loi sur les Indiens obligent les conseils de bande à assumer des responsabilités importantes dans les domaines du financement, de l’accès à la propriété, de la gestion des immeubles et de la gestion de la totalité des terres des réserves. Pour les conseils de bande, ces responsabilités s’ajoutent aux autres services habituellement assumés par les municipalités. C’est cependant en matière de financement que les réserves indiennes et les municipalités se distinguent le plus, tel qu’en fait foi un article de Louise Séguin paru en 1995 dans la revue Municipalité :

Au Québec, les revenus des petites municipalités proviennent principalement des taxes foncières perçues auprès de leurs citoyens. Ces revenus leur permettent de s’autofinancer à 90 % et plus. Ceci leur confère, dans leur domaine moins étendu de juridiction, une autonomie financière plus grande que celle des communautés amérindiennes. Les conseils municipaux sont reconnus comme un palier de gouvernement; leur relation avec le ministère des Affaires municipales du Québec n’en est pas une de dépendance financière, ni de tutelle, même si le Ministère conserve tout de même la responsabilité générale du bon fonctionnement du régime municipal.

Le financement des conseils de bande provient en grande partie du gouvernement fédéral, désigné comme « fiduciaire » des Amérindiens par la Constitution du Canada et la Loi sur les Indiens. Ces derniers ne sont pas propriétaires des terres de la réserve. En plus de fonds gouvernementaux, certaines communautés peuvent compter sur des revenus provenant des entreprises qu’elles possèdent. Les compensations financières reçues à la suite de projets de développement pouvant affecter la vie de leur population constituent également une source de revenus pour quelques-unes d’entre elles. La proportion des contributions de la communauté peut varier énormément, mais elle dépasse rarement 25 % du budget.

Séguin, 1995

Credit photo: Pierre Lepage

Une autre étude réalisée à cette époque par le sociologue Pierre Drouilly comparait la situation dans les réserves des Premières Nations et les villages nordiques avec la situation dans l’ensemble du Québec. Elle concluait à « des conditions économiques désastreuses » qui contribuent à détériorer les rapports sociaux. (Drouilly, 1991 : 44)

Quelques années plus tard, en 1998, des données partielles sur la situation sociale et économique des Autochtones vivant au Québec, ont été mises en relief par le gouvernement du Québec. (Gouvernement du Québec, 1998 : 9-10) La situation y était jugée très préoccupante avec un « taux de chômage se maintenant au double du taux moyen des autres Québécois », un revenu moyen des ménages autochtones « …de 20 % inférieur à celui des ménages québécois, alors que les ménages autochtones comptent presque deux fois plus d’individus… » et une poussée démographique chez les Autochtones susceptible « dans un proche avenir de causer de sérieux problèmes sociaux… ». L’accroissement de population, dans un contexte socio-économique difficile, pouvait, selon l’étude « générer des tensions entre le milieu autochtone et l’ensemble du Québec » …(Ibid.)

En marge du Forum socio-économique des Premières nations de Mashteuiatsh d’octobre 2006, Ghislain Picard, chef régional de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, a sonné l’alarme à propos de l’« immense fossé » entre les conditions de vie des Québécois et celles des peuples autochtones. S’inspirant des résultats d’une vaste enquête réalisée auprès de 4 000 Autochtones, le chef Picard mettait en relief certains faits :

La moitié des adultes n’ont pas terminé des études secondaires et la moitié des enfants ont redoublé une année scolaire. L’obésité touche 52 % des enfants, 42 % des adolescents, 67 % des adultes et 67 % des aînés. Le taux de diabète des jeunes est de 15 %, il est trois fois plus important que celui du Québec… Dix pour cent des maisons sont surpeuplées et une sur trois est infestée de moisissures… L’assurance-emploi et l’aide sociale comptent pour 44 % des revenus, même si le taux d’emploi a légèrement augmenté.

Picard, 2006

Credit photo: Pierre Lepage

Groupe de jeunes dans la communauté de Kitcisakik, 2005.

Credit photo: Pierre Lepage

Du côté du Nunavik, soulignons que la Conférence Katimajiit (Kuujjuaq, août 2007) visait spécifiquement l’amélioration des conditions de vie des Inuits. À une croissance démographi­que exceptionnelle, à un surpeuplement des logements et à bien d’autres difficultés s’ajoutait un coût de la vie considérablement plus élevé qu’ailleurs au pays, « les prix des aliments dépassant en moyenne de 57 % ceux du sud du Québec ». (Société Makivik, 2007) Cette rencontre au sommet a donné lieu à la signature, le 9 décembre 2013, de l’Entente sur le financement de mesures visant la réduction du coût de la vie au Nunavik, conclue entre le gouvernement du Québec, la Société Makivik et l’Administration régionale Kativik (ARK). En vertu de cette entente, le Québec a consenti à verser des sommes importantes entre 2014 et 2017 afin d’atténuer les effets du coût de la vie élevé sur les Inuits du Nunavik (les Nunavimmiuts), tout en confiant aux organisations inuites l’autorité d’établir leurs propres priorités et l’administration des programmes mis en place. (ARK, 2017)

Toutefois, un rapport de recherche publié en 2016 sur le coût de la vie dans 6 villages nordiques en comparaison avec le coût de la vie pour un ménage à Québec, nous permet de constater que malgré les mesures de réduction du coût de la vie déjà en vigueur dans la région, « …le panier d’épicerie est 48% plus cher au Nunavik; les dépenses courantes sont 43 % plus chères au Nunavik; les boissons et le tabac, 37 % plus cher; les loisirs, 32 % plus chers, etc. Seul le logement affiche un indice moins élevé au Nunavik. » (Robitaille, Guénard et Duhaime, 2016 : i) Le directeur de la recherche, le sociologue Gérard Duhaime précisait, en entrevue au quotidien Le Soleil, que « Le prix du logement est moins cher parce que les gens du Nunavik habitent des habitations publiques, qui appartiennent soit à l’employeur, soit à l’Office municipal de l’habitation ». (Lévesque, 2016). Malgré tout, les dépenses pour la nourriture et le logement comptent pour 60 % des revenus allant même jusqu’à 70 % des revenus dans le cas des moins bien nantis. Au Québec par contre, l’alimentation et le logement grugent autour de 40 % du budget des familles. (idem)

Indices de pauvreté chez les premières nations

  • Le taux de décès des enfants autochtones est le triple de celui des enfants allochtones (Canada);
  • L’espérance de vie est plus courte de 6 à 7 ans (Québec);
  • Le diabète est deux à trois fois plus fréquent (Québec);
  • Le risque de vivre, dès sa plus jeune enfance, des situations de pauvreté, de négligence et de placement est de trois à cinq fois plus élevé (Québec);
  • Près de la moitié des familles sont monoparentales (44 %) (Québec);
  • Deux femmes sur trois ont un revenu inférieur à 10 000 $ (Québec);
  • Un adulte sur quatre est aux prises avec le chômage (Québec);
  • En 2006, 4 200 maisons des Premières Nations sur un total de 12 500 étaient surpeuplées et 6 700 avaient un urgent besoin de réparations et/ou décontamination (Québec) ;
  • Incidence élevée de la shigellose et de la tuberculose, des maladies associées au surpeuplement et que l’on retrouve surtout dans les pays du tiers-monde (cas de tuberculose à Uashat-Mani-utenam); (CSSSPNQL)
  • Près de 30 % des individus résidant en communauté se disent victime de racisme. (CSSSPNQL)

Source : Commission de la Santé et des Services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador (CSSSPNQL), 2011.

Groupe d’enfants à Salluit, au Nunavik.

Credit photo: Michèle Morel

Coût de la vie au nunavik en 2016 en comparaison à québec (ville)

Aliments

+ 48 %

Ameublement

+ 42 %

Logements

– 28 %

Vêtements

+ 15 %

Transports

+ 17 %

Soins personnels

+ 24 %

Boissons alcoolisées et tabac

– 37 %

Loisirs

+ 32 %

Source : Robitaille, Guénard et Duhaime, 2016

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