Des solidarités et des valeurs sociales communes

Entre 1991 et 1993, un groupe de réflexion composé de représentants de syndicats, de mouvements religieux, de coopératives, de mouvements sociaux et de peuples autochtones s’est donné pour mandat de travailler au rapprochement entre Québécois et Autochtones. Mesurer et mettre en valeur les points de convergence, mais aussi identifier les points de divergence et chercher les moyens pour les surmonter, tels étaient les objectifs fixés par la vingtaine de participants au Forum paritaire québécois-autochtone, qui ont tenu une quinzaine de rencontres.

Le Forum paritaire québécois-autochtone

Comment vivre ensemble dans le respect mutuel 

Le groupe de réflexion du Forum paritaire québécois-autochtone a adopté et diffusé à l’automne 1993, un manifeste commun qui, au-delà de divergences constatées, a mis en évidence plusieurs zones de rapprochement. Dans un article publié dans la Revue Notre-Dame, René Boudreault, coanimateur du Forum, soulignait notamment :

  • Le Québec et les nations autochtones sont à la recherche d’une reconnaissance de droits collectifs et même nationaux. Ils recherchent plus d’autonomie dans la gouverne de leurs affaires. La reconnaissance en tant que peuples et celle du droit à l’autodétermination dominent le paysage politique.   
  • Le règlement des revendications territoriales autochtones est favorable à une paix sociale et au développement économique. Des voisins qui se développent sont sûrement plus intéressants que des voisins qui subissent la pauvreté.
  • Le mouvement de décentralisation du pouvoir de décision souhaité largement par les régions du Québec intéresse aussi les autochtones.
  • La notion sacrée de l’intégrité du territoire québécois n’apparaît pas nécessairement incompatible avec les droits des peuples autochtones. Des accommodements sont possibles dans la mesure où l’exercice de la souveraineté autochtone ne va pas nécessairement à l’encontre de celle de l’Assemblée nationale ou du régime juridique canadien.
  • Le développement économique des Autochtones et l’amélioration de leur niveau de vie sont un actif puissant pour l’essor même des régions. Le développement, par les Autochtones, du secteur récréotouristique, en est un exemple.
  • Les valeurs fondamentales promues par le mouvement écologique rejoignent facilement la philosophie traditionnelle des Autochtones.
  • Les Autochtones ont besoin de l’expertise des Québécois pour amorcer leur développement et pour former leur propre main-d’œuvre. Cette situation amène des échanges, une réciprocité qui pourra être créatrice et qui pourra développer une nouvelle convivialité. (Boudreault, 1995 : 10-13)
Gérald Larose, alors président de la Confédération des Syndicats nationaux (CSN) et Diom Roméo Saganash alors vice-président du Grand conseil des Cris du Québec, participent, à l’automne 1993, à une conférence de presse du Forum paritaire québécois-autochtone, un groupe de réflexion qui veut contribuer à la création d’une véritable alliance entre les deux groupes.

Credit photo: Alain Chagnon

Les signataires du Manifeste insistaient en conclusion : « Nous sommes conviés par l’histoire et la géographie à relever le défi de vivre ensemble et à identifier rapidement les assises de nos relations mutuelles. »

Les signataires du Manifeste :

Gérard Drainville, Assemblée des Évêques du Québec; Jackie Kistabish, Femmes autochtones du Québec; Lorraine Pagé, Daniel Lachance et Henri Laberge, Centrale de l’enseignement du Québec; Julien Harvey, Centre justice et foi; Michel Doray et Claude Têtu, Confédération des caisses Desjardins; Gérald Larose, Confédération des syndicats nationaux; René Simon et Arthur Robertson, Conseil des Atikamekw et des Montagnais; Denis Landry, Grand conseil de la nation Waban-aki; Diom Roméo Saganash, Grand conseil des Cris du Québec; Gérald Mckenzie et Sylvie Paquerot, Ligue des droits et libertés; Édith Cloutier, Regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec; Bernard Cleary, Personne-ressource; Pierre Bonnet et René Boudreault, Animation et coordination du Forum. (Forum paritaire, 1993)

Le Solstice des Nations, un pont entre la fête nationale des autochtones et la fête nationale des québécois

Génial ! Il fallait y penser. En 2005, l’organisme Terres en vues (Société pour la diffusion des cultures autochtones), le Comité de la Fête nationale à Montréal et le Mouvement national des Québécoises et Québécois s’associaient pour créer un pont entre la Fête nationale des Autochtones célébrée le 21 juin et le 24 juin, Fête nationale des Québécois.

Lors de l’édition 2005 du Solstice des Nations, les nations abénaquise et mohawk étaient représentées. Éric Cardinal, un des principaux organisateurs de l’événement est accompagné de Nicole O’Bomsawin et de Annette Nolet d’Odanak.

Credit photo: Pierre Lepage

La cérémonie était simple mais hautement symbolique. La journée du 21 juin, qui correspond au Solstice d’été, des membres d’une ou de plusieurs nations autochtones procédaient à Montréal à une cérémonie traditionnelle du feu. Par la suite, les braises de ce feu étaient transportées jusqu’à Québec, sur les plaines d’Abraham, et servaient à allumer, le 23 juin, le feu de joie du spectacle de la Fête nationale des Québécois.

Lors de la cérémonie du 21 juin, des personnalités publiques étaient invitées à participer à l’événement où chants et tambours se faisaient entendre au milieu de discours officiels. En 2005, le parolier et chanteur québécois Claude Gauthier, des Mohawks de Kahnawake et de Kanesatake ainsi que des chanteuses abénaquises d’Odanak étaient parmi les invités spéciaux. En 2009, ce fut le tour du conteur québécois Michel Faubert et de la chanteuse inuite Elisapie Isaac de participer à la cérémonie. Ce rendez-vous annuel, qui visait à renforcer les liens d’amitié entre les peuples qui partagent le territoire du Québec, s’est malheureusement terminé en 2011. À une période marquée par une volonté de réconciliation, n’y aurait-il pas lieu de faire revivre un événement aussi symbolique et porteur d’espoir?

Lors de l’édition 2005 du Solstice des Nations, les nations abénaquise et mohawk étaient représentées. Sur cette photo, la chanteuse mohawk Sedalia Fazio.

Credit photo: Pierre Lepage

Lors de l’édition 2005 du Solstice des Nations, les nations abénaquise et mohawk étaient représentées. Sur cette photo, une personnalité bien connue et très respectée de la communauté de Kahnawake, Billy Two Rivers.

Credit photo: Pierre Lepage

Femmes autochtones et femmes québécoises, même combat

Solidaires lors de la Marche mondiale des femmes contre la pauvreté et la violence

C’est principalement au milieu des années 1970 que la solidarité s’est développée entre femmes autochtones et femmes québécoises. Thérèse Casgrain était devenue une alliée indéfectible de Mary Two-Axe Earley, une mohawk de Kahnawake, qui militait au sein de l’organisme Indian Rights for Indian Women. Une ancienne présidente de la Fédération des femmes du Québec, Ghislaine Patry-Buisson, se souvient de ces tout premiers moments de solidarité, notamment en 1975, à Mexico, lors de la première Conférence des Nations unies sur les droits de la femme. Mary Two-Axe Earley était de la délégation des femmes canadiennes au Forum des femmes, une tribune parallèle réunissant des femmes issues d’organisations non gouvernementales. Son intervention à Mexico, appuyée par les femmes du Canada, a été particulièrement percutante.

Photographiées à l’occasion de la Marche mondiale des femmes contre la pauvreté et la violence, Michèle Audette, alors présidente de Femmes autochtones du Québec, et la militante Madeleine Parent, une « grande amie des femmes autochtones ».

Credit photo: Michèle Audette

Credit photo: Michèle Audette

C’est donc dans ce contexte qu’est née, en 1974, l’Association des Femmes autochtones du Québec. L’Association a tissé des liens importants avec la Fédération des femmes du Québec, et développé une solidarité qui ne s’est jamais estompée. Lorsque les Femmes autochtones du Québec ont osé briser la loi du silence et dénoncer la violence et les abus à l’intérieur de plusieurs communautés autochtones, elles ont eu de nouveau l’appui des mouvements des femmes. Lors de la Marche de l’an 2000 contre la violence et la pauvreté, femmes autochtones et femmes québécoises avançaient côte à côte, solidaires et fières du chemin parcouru.

Les liens de solidarité entre femmes autochtones et femmes québécoises se poursuivent toujours. En 2016, l’organisme Femmes autochtones du Québec et le Conseil du statut de la femme ont lancé une brochure afin de mieux faire connaitre les réalités vécues par les femmes autochtones. Sous le titre À la rencontre des femmes autochtones du Québec, la publication met en lumière le fait qu’elles « vivent dans des conditions inférieures à celles du reste de la population… » et que cette réalité doit être connue et corrigée. Au tout début de la publication, Julie Miville-Dechêne, présidente du Conseil du statut de la femme de 2011 à 2016 s’exprime de la façon suivante : « Nous nous connaissons peu. Le rapprochement entre femmes autochtones et fem­mes non-autochtones, voire avec toute la population, passe par la connaissance et la compréhension. » De son côté, la présidente de Fem­­mes autochtones du Québec, Viviane Michel, insiste : « Pour travailler ensemble, il y a tout d’abord une histoire et une réalité qui doivent être connues. Apprenons à nous connaitre et brisons le mythe. C’est ainsi que le chemin vers la réconci­liation pourra débuter. » (Conseil du statut de la femme, 2016 : 6)

Une militante engagée qui croit à l’action solidaire, Viviane Michel, présidente de Femmes autochtones du Québec.

Credit photo: Femmes autochtones du Québec

Dialogue — les québécois, les premières nations et les inuits

Chaque été l’Institut du Nouveau Monde (INM) réunit à Montréal des jeunes de toutes les régions pour discuter démocratie, engagement citoyen et enjeux du Québec contemporain. Nouveauté en 2008, l’ouverture d’un Dialogue – Les Québécois, les Premières Nations et les Inuits et la participation d’une cinquantaine de jeunes autochtones à l’événement. L’objectif : Identifier des intérêts communs, proposer des actions et tisser des liens de solidarité.

À gauche, Steve Papatie de la communauté de Kitcisakik et Alexis Wawanoloath, alors député d’Abitibi-Est, s’impliquent activement dans l’action solidaire québécoise- autochtone. Pour souligner le 400e de Québec, l’Institut du Nouveau Monde tenait sa session 2008 à l’Université Laval.

Credit photo: Pierre Lepage

La question de l’égalité homme-femme est un autre point de convergence qui mérite d’être soulignée. Au Canada, au milieu des années 1970, la situation des femmes des Premières Nations qui perdaient leur statut d’Indiennes par suite de leur mariage avec des non-Indiens était au centre des préoccupations. Une discrimination selon le sexe perdurait dans la Loi sur les Indiens, malgré l’adoption en 1960 par le gouvernement fédéral de la Déclaration canadienne des droits. Les femmes qui avaient perdu leur statut d’Indiennes étaient expulsées de leurs communautés respectives. Les femmes autochtones se sont mobilisées afin de faire invalider par les tribunaux canadiens l’article 12 1) (b) de la Loi sur les Indiens, qui engendrait une discrimination fondée sur le sexe.

À l’époque, les femmes des Premières Nations pouvaient difficilement compter sur le soutien des conseils de bande ou des organisations politiques autochtones. Ce soutien, essentiel à leur lutte, elles l’ont d’abord reçu des mouvements féministes établis au Québec et ailleurs au Canada.

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