L’amorce d’un dialogue

Ce n’est là qu’un exemple parmi tant d’autres. À Senneterre, en Abitibi, le troisième règlement adopté par la municipalité, fondée en 1919, « interdit aux sauvages » de résider dans les limites de la ville. (Bordeleau et Matte) Heureusement, nous n’en sommes plus là aujourd’hui. À l’aube des célébrations du 100e anniversaire de la petite municipalité, prévues pour 2019, le conseil municipal et le Centre d’entraide et d’amitié autochtone de Senneterre ont signé un Engagement mutuel pour l’amélioration des conditions de vie des Autochtones en milieu urbain. Lors de la conférence de presse soulignant l’événement, le maire de Senneterre, Jean-Maurice Matte, a tenu à préciser « que les deux organismes collaborent depuis plusieurs années pour le rapprochement social, culturel et économique. Cette entente sert donc à officialiser ce partenariat qui est déjà bien réel. » (Deshaies, 2017)

Pour Valentin Méquish, président du conseil d’administration du centre d’entraide, « L’accès à des logements de qualité, surtout pour les aînés, fait partie de nos actions communes ». Autre priorité, le projet Shabogamak II, la transformation de l’ancien chalet municipal acquis par le centre d’entraide pour en faire un lieu de transmission de la culture, un projet que compte soutenir pleinement la municipalité dans l’aménagement de l’accès au site. Il s’agira aussi d’un lieu d’hébergement touristique profitable pour l’ensemble de la région.

Le maire de Senneterre Jean-Maurice Matte (à gauche), et le président du Centre d’entraide et d’amitié autochtone de Senneterre, Valentin Méquish, lors de la signature de l’Engagement mutuel pour l’amélioration des conditions de vie des Autochtones en milieu urbain.

Credit photo: TC Média-Archives

Famille autochtone, Senneterre, vers 1950.

Credit photo: Photographe inconnu, coll. Pierre Lepage

Lorsqu’il est question de cohabitation entre Autochtones et non-Autochtones, on ne saurait passer sous silence l’événement qui a déclenché une profonde crise sociale dans la région de Val-d’Or en mars 2015. Dans le cadre de l’émission Enquête diffusée sur les ondes de la télévision de Radio-Canada, des femmes autochtones ont affirmé avoir été victimes d’abus sexuels, d’intimidation et d’inconduites de la part de policiers dans cette région. Le témoignage troublant de ces femmes a ému le Québec tout entier et provoqué une véritable onde de choc. Les enquêtes sur ces allégations n’ont pas donné lieu au dépôt d’accusations mais le gouvernement du Québec a résolu d’instituer une commission d’enquête spéciale sur les relations entre les Autochtones et certains services publics (Commission Viens). En marge de ces événements, plusieurs personnalités de la région ont voulu rappeler qu’il y avait, en Abitibi-Témiscamingue, un long passé de cohabitation avec les Autochtones. Cette position a cependant fait réagir plusieurs intervenants du côté des Premières Nations qui trouvaient essentiel de questionner la nature même de cette « cohabitation ». Dans une entrevue qu’il accordait au journaliste Thomas Deshaies (L’Écho Abitibien. Le Citoyen, 27 sept. 2017) Lucien Wabanonik, membre du Conseil de la Nation Anishnabe de Lac-Simon, trouvait inapproprié qu’on affirme que les Allochtones et Autochtones ont toujours cohabité à Val-d’Or, un point de vue partagé par l’anthropologue Marie-Pierre Bousquet. « Dépossession, destruction, incompréhension et racisme » sont des mots employés par la professeure Bousquet pour qualifier une partie de l’histoire de la région qu’on omet de rappeler. (idem) Soulignant les efforts qui sont faits pour améliorer les relations depuis la « crise de Val-d’Or », monsieur Wabanonik veut se tourner vers l’avenir mais croit, pour ce faire, qu’il faut regarder l’histoire telle qu’elle est : « C’est ça qu’on trouve malheureux. Il faudrait faire un effort de reconnaître l’histoire anishnabe ».

Le maire de la Ville de Val-d’Or, Pierre Corbeil (à gauche) en compagnie de Oscar Kistabish, président du Centre d’amitié autochtone de Val-d’Or, à l’occasion de la 2e Rencontre des Maires et des Centres d’amitié autochtones, mars 2017.

Credit photo: TC Média-Thomas Deshaies

Aussi désolants qu’ils puissent être, les événements de Val-d’Or évoqués plus haut ont créé une occasion privilégiée d’une prise de conscience et d’une mobilisation remarquable des intervenants locaux, tant autochtones que non-autochtones, afin d’améliorer les relations. Soulignons que c’est à Val-d’Or, en mars 2017, que les maires de neuf municipalités et les directions de neuf centres d’amitié autochtone au Québec ont signé en engagement mutuel afin d’améliorer les conditions de vie des Autochtones en milieu urbain.

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