Les communautés autochtones, un maillon important des économies régionales

En 1992, on s’inquiétait à Chibougamau des répercussions économiques de la fermeture de la mine Westminer. Depuis le début des années 80, la population de la ville était en déclin constant. De 12 000 habitants, elle était passée à 9 000. En ces temps difficiles, comme le rapportait le journaliste Pierre Gingras, ce sont les Cris qui se portaient à la rescousse de l’économie de la région : « Il n’y a aucun doute pour personne à Chibougamau : les Cris font vivre une bonne partie de la ville. En réalité, depuis la fermeture progressive des mines, la principale ‘ressource naturelle’ de la ville, ce sont les Amérindiens. » Le maire de Chibougamau de l’époque abondait dans le même sens : « Sans l’apport des Cris, je me demande sérieusement ce qui arriverait à nos commerces. » (Gingras, 1992).

Le commentaire inscrit à l’endos de cette photo d’archives prise à Chibougamau, en 1950, en dit long sur l’état d’esprit qui régnait à cette époque. Le photographe croyait prendre un cliché « des derniers Indiens existant dans le Nord de la Province de Québec »… Qui aurait cru qu’un demi-siècle plus tard, les Cris (Eeyou) se porteraient à la rescousse de l’économie de la région et que le magnifique village d’Oujé-Bougoumou verrait le jour?

Credit photo: Paul Louwers, coll. Pierre Lepage

À cette époque, Chibougamau était entourée de trois communautés autochtones : Mistissini qui comptait, en 1992, environ 2 300 habitants, Waswanipi avec un peu plus de 700 personnes et le nouveau village Oujé-Bougoumou, alors en construction, qui devait abriter plusieurs centaines de personnes. Voilà une population dont le pouvoir d’achat était très important (ibid.). De nombreux commerçants l’ont compris. Certains d’entre eux se sont même inscrits à des cours de langue crie, conscients de l’importance de satisfaire cette clientèle particulière.

À Mashteuiatsh, au Lac-Saint-Jean, une étude réalisée il y a plusieurs années à la demande du Conseil de bande révélait que près de 80 % des achats étaient effectués à l’extérieur de la communauté autochtone. « Les Amérindiens font rouler l’économie », affirmait Alain Nepton, alors conseiller à Mashteuiatsh (entrevue personnelle). Et alors que plusieurs s’inquiètent du fait que les « régions se vident », notamment sur le plan de la démographie, les populations autochtones, elles, semblent bien là pour rester avec un taux de natalité généralement deux fois supérieur à la moyenne québécoise.

Construit à l’occasion des festivités mar- quant le 400e de Québec, l’Hôtel-Musée des Premières Nations de Wendake impressionne par son architecture et son décor enchanteur en bordure de la rivière St-Charles.

Credit photo: Jean-Louis Régis

Soulignons l’apport appréciable de certaines communautés comme Wendake, près de Québec, dont les entreprises, au milieu des années 90, procuraient de l’emploi à près de 400 personnes non-autochtones. (Forum paritaire, 1993). Même son de cloche aux Escoumins. En 2008, sur plus de 200 emplois générés par la petite communauté innue d’Essipit, 60 % étaient occupés par des non-autochtones des villages environnants.

Ces quelques exemples démontrent bien les liens inévitables d’interdépendance entre communautés autochtones et communautés environnantes. Des communautés autochtones qui se développent, ce sont des communautés non-autochtones également qui se développent. L’entreprise KEPA TRANSPORT, dont le siège social est situé à Val-d’Or, est un excellent exemple de cette situation. Cette société, ­spécialisée dans le transport de marchandises en région nordique, est la propriété de deux communautés cries, celle de Chisasibi et celle de Wemindji. Il s’agit d’une entreprise dynamique, incorporée en 1987, et qui a maintenant à son actif une flotte de plus de 150 unités à la fine pointe de la technologie. Kepa Transport compte plus d’une centaine d’employés, majoritairement non-autochtones, dont 75 chauffeurs professionnels, 8 mécaniciens et 21 employés de bureau et quelques autres. L’entreprise mène des affaires autant en milieu cri (21 %) qu’en milieu non-cri (79 %). Elle est considérée comme un acteur important dans le développement de l’économie de l’Abitibi-Témiscamingue et même au-delà.

KEPA TRANSPORT, chef de file en transport par camion, créateur d’emploi et partenaire régional

En 2013, KEPA TRANSPORT a procédé à la construction d’un nouveau centre des opérations dans le parc industriel de Val-d’Or. Il s’agit d’un bel exemple de construction non résidentielle en bois, rendue possible grâce à l’ingéniosité et au talent d’entreprises de la région : « De l’architecte à l’entrepreneur général, en passant par l’ingénieur et les compagnies spécialisées dans les fermes de toit, les murs préfabriqués et les poutres en bois lamellé-collé, les acteurs de ce projet viennent tous de la région. » Le centre opérationnel de KEPA Transport est devenu « … une autre fierté de la filière régionale de la construction en bois ! » (Association forestière de l’Abitibi-Témiscamingue, 2013)

Credit photo: Pierre Lepage

Le groupe Umek, un des plus gros joueurs dans l’industrie de la pêche nord-côtière

À la suite d’un important jugement rendu en 1999 par la Cour suprême du Canada concernant les droits de pêche des Autochtones (arrêt Marshall), Pêche et Océans Canada a entrepris une démarche visant à faciliter l’accès des communautés autochtones à la pêche commerciale. Au Québec, les communautés mi’gmaq de Listuguj, de Gesgapegiag et de Gespeg, de même que la communauté malécite de Viger ont pu conclure dès 2002 des ententes avec Pêches et Océans Canada leur permettant de se lancer dans ce secteur d’activités.

Dans la foulée de ce jugement, plusieurs communautés innues de la Côte-Nord et du Lac-Saint-Jean ont pu également bénéficier des programmes mis en place et s’orienter dans la pêche commerciale. Aujourd’hui, la majorité des communautés innues possèdent des bateaux de pêche et certaines sont partenaires dans plusieurs usines de transformation des produits de la mer. Dans un numéro spécial de la revue Nikan consacré aux pêcheries commerciales, (octobre 2011) la Commission de développement économique des Premières Nations du Québec et du Labrador trace un portrait sommaire de cette réussite, c’est à dire comment le Groupe Umek est devenu au fil des ans, « un des gros joueurs de l’industrie de la pêche nord-côtière et du Québec ».

Credit photo: Pierre Lepage

Photos prises au quai de Mingan où la communauté innue possède deux bateaux de pêche.

Credit photo: Pierre Lepage

Le groupe Umek possède, entre autres, une usine de transformation de crabe … qui appartient en parts égales aux communautés d’Essipit, de Pessamit et d’Uashat mak Mani-utenam (70%) ainsi qu’à un groupe de pêcheurs indépendants (30 %). Au total l’usine emploie environ 120 employés saisonniers, dont 70 % sont des membres des différentes nations et communautés autochtones…

En plus d’être propriétaire de l’usine de transformation Umek, le Groupe Umek est propriétaire à 51 % de l’entreprise Pêcheries Manicouagan, par le biais de laquelle il possède quatre poissonneries situées entre Baie-Comeau et Tadoussac et une autre au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Le groupe est aussi propriétaire à 30 % de l’usine les Crabiers du Nord. En ce qui concerne cette dernière entreprise, en plus de la partie détenue par le Groupe Umek, 19 % des parts restantes appartiennent à un regroupement de pêcheurs autochtones, ce qui fait de l’entreprise une propriété à 49,9 % autochtone.

CDEPNQL, 2011

En 2011, le Groupe Umek exportait environ 70 % de sa production aux États-Unis, 15 % au Québec, 10 % au reste du Canada et 5 % en Asie et le plus gros client de l’usine Umek était, cette même année, « une chaîne américaine de restaurants bien connue de tous, Red Lobster. » (idem)

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