Les conflits sur les rivières à saumon d’il y a quelques décennies constituent un autre exemple de rupture, de relations conflictuelles, mais ils ont entrainé l’amorce d’un dialogue et de recherche d’intérêts communs dans les relations entre Autochtones
Au Québec, on reconnaît l’existence de 11 nations autochtones : Abénaquis (Waban-Aki), Algonquins (Anishnabeg), Atikamekw Nehirowisiwok, Cris (Eeyou), Hurons-Wendat, Inuit, Malécites (Wolastoqiyik), Mi’gmaq (Micmacs), Mohawks (Kanien’kehá:ka), Innus (Montagnais) et Naskapis. Dans tout le Canada, on parle de près d’une soixantaine de nations autochtones.
Comment comprendre cette escalade survenue sur certaines rivières au milieu des années 1970? D’abord les Mi’gmaq de la Gaspésie et les Innus de la Côte-Nord étaient devenus en quelque sorte « des étrangers sur leurs propres rivières ». (voir à ce sujet, Panasuk et Proulx, 1981) Mais l’Opération gestion faune ou opération dite de « déclubbage » amorcée au Québec au début des années 1970 y est également pour quelque chose. Un mouvement tout à fait légitime s’était amorcé au sein de la population québécoise pour l’abolition des clubs privés et la restitution de territoires jusque là inaccessibles aux citoyens du Québec. Cependant, au moment où le « déclubbage » des rivières à saumon est allé de l’avant, les communautés
Ainsi une personne dira : Je suis de la Première nation naskapie de Kawawachikamach, ou je suis de la Première nation Atikamekw de Manawan ou Première nation Mohawk d’Akwesasne etc. marquant ainsi à la fois sa nation d’appartenance et son lieu d’origine ou de résidence.
Le cas de la rivière Mingan sur la Côte-Nord mérite d’être cité en exemple. Jusqu’en 1984, cette rivière appartenait à des intérêts américains. Il s’agissait d’une propriété privée découlant de vieux droits seigneuriaux non éteints. Les pêcheurs québécois n’y avaient pas accès et les Innus y étaient considérés comme hors la loi. À la suite des pressions de la communauté innue d’Ekuanitshit (Mingan), le gouvernement fédéral a acheté la rivière et l’a annexée au territoire de la réserve. La Loi sur les Indiens
Du côté de la Gaspésie, les Mi’gmaq de Gesgapegiag (Maria) et certaines municipalités riveraines de la rivière Cascapédia ont travaillé à la création, au début des années 1980, de la Société de gestion de la rivière Cascapédia. Il s’agit d’une société de gestion mixte composée en parts égales d’autochtones et de non-autochtones. La société administre et loue aux sportifs des camps de pourvoirie pour la pêche au saumon. Ses activités sont désormais une source d’emploi importante pour des membres de la communauté micmaque qui y travaillent comme guides, gardes-pêche ou cuisiniers. La pourvoirie constitue un levier de développement économique pour toute la région.
Pour résumer, ces quelques exemples démontrent bien que la recherche d’intérêts communs est gage de paix et d’harmonie. Sur les rivières à saumon en particulier, les différents intervenants ont vite réalisé que ce n’était pas en transformant les rivières en champs de bataille que les objectifs de la préservation du saumon de l’Atlantique et le respect des droits des différents utilisateurs pouvaient être garantis. Une approche de concertation entre tous les utilisateurs, sans exception, s’imposait. Et cela a été fait !
Aux escoumins, innus et québécois travaillent à une cause commune
La paix est revenue et le saumon aussi
Au tournant des années 1980, aux Escoumins sur la Côte-Nord, des conflits entre Autochtones et non-Autochtones relatifs à la pêche au saumon auraient pu tourner au drame. Un membre de la Fédération québécoise pour le saumon atlantique raconte comment les parties en présence ont pu mettre fin aux hostilités :
(…) Les gens ont alors commencé à se parler, à imaginer un modus vivendi. En 1991, ces discussions permettaient la création d’un comité bipartite rassemblant en parts égales les représentants du conseil de bande et de la municipalité. Coprésidé par un délégué de chaque groupe, le comité a fait ses classes pour finalement se transformer en véritable société de gestion. Compte tenu de l’ancien climat d’affrontement, c’était une véritable révolution tranquille que d’en arriver à parler ensemble d’aménagement.
Mais tout n’était pas gagné, car la rivière était peu propice à la remontée du saumon. L’industrie forestière en particulier, avait laissé ses marques avec ses barrages et des décennies de flottage du bois. « Les artisans de son renouveau ont ensemencé, modernisé un vieux barrage, construit une « passe migratoire » pour faciliter les remontées, fait échec au braconnage. Une pisciculture a même été mise sur pied pour contrôler la qualité des alevins. » C’est finalement en août 1992 que la pêche sportive put reprendre sur la rivière avec les retombées économiques qui l’accompagnent. Aujourd’hui, de conclure Paul Vézina, « … seule la rivière gronde, signe de sa vitalité et de l’harmonie retrouvée. »
La Corporation de gestion de la rivière à saumon des Escoumins formée du Conseil de la Première Nation