Le leadership des femmes autochtones

Traçant un portrait de l’Association des femmes inuites du Nunavik Saturviit, l’anthropologue Lisa Koperqualuk faisait remarquer que si les femmes inuites occupaient une place vitale au sein des familles avant la sédentarisation, à l’époque des campements familiaux, elles sont aujourd’hui toujours aussi actives. Citant les résultats d’une enquête publiée en 2006 par l’Administration régionale Kativik, l’anthropologue inuite constatait que les femmes occupaient 42 % des emplois à temps plein et 55 % des emplois à temps partiel. L’enquête démontrait également qu’entre 1998 et 2005 le nombre d’emplois à temps plein occupés par des femmes avait progressé de 84 % : « Cela s’explique, notamment, par la création en 2005 d’un grand nombre d’emplois dans le réseau des centres de la petite enfance du Nunavik. » (Koperqualuk, 2008) Un pourcentage de 22 % des femmes inuites qui occupent un poste à temps plein se retrouvent dans le domaine de l’éducation, 36 % dans celui de la santé et des services sociaux, incluant les centres de la petite enfance, 20 % dans les organismes sans but lucratif et 22 % dans le secteur privé (coopératives locales, entreprises détenues par les Inuits, etc.). Il n’est pas étonnant, de poursuivre madame Koperqualuk, « que de nombreuses femmes se définissent, à juste titre, comme les protectrices de la société inuite. »

Credit photo: Association des femmes inuites du Nunavik Saturviit

L’Association Saturviit a été fondée à l’automne 2004, à Puvirnituq. L’intensi­fication de la violence (physique, psychologique et sexuelle) dans les communautés et les moyens de l’enrayer étaient au centre des préoccupations. Les femmes ont alors rédigé un manifeste décrivant « l’urgence de briser le silence et le cycle de la violence pour mettre un terme à l’apparence de normalité qui entoure les actes de violence au sein de la société. » Dès la fondation de leur organisation, les femmes inuites ont souligné l’importance de protéger les enfants des abus et de la négligence dont ils sont victimes au sein de nombreuses familles. Nous avons vu notamment, au chapitre 6, à quel point les défis sont grands pour les communautés inuites et surtout pour les femmes qui doivent composer avec des logements surpeuplés et l’insécurité alimentaire découlant en grande partie d’un coût de la vie très élevé.

Personnalité bien connue, Michèle Audette a été tour à tour présidente de Femmes autochtones du Québec puis présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada. Madame Audette. est originaire de la communauté innue de Mani-utenam au Québec. Depuis 2016, elle siège comme commissaire à l’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées.

Credit photo: Pierre Lepage

L’anthropologue Lisa Koperqualuk.

Credit photo: Caroline Montpetit

Outre l’engagement au quotidien de ces femmes, certaines se sont démarquées par leur leadership. C’est le cas notamment de Mary Simon, née dans la communauté de Kangiqsualujjuaq. Elle a été tour à tour présidente de la Société Makivik, l’organisation représentant les intérêts des Inuits du Nunavik puis, au niveau national, présidente de l’Inuit Tapiriit Kanatami et, à l’international, présidente du Conseil circumpolaire inuit (Inuit Circumpolar Council). Enfin elle fut ambassadrice du Canada pour les Affaires circumpolaires. Autre personnalité remarquable, Sheila Watt-Cloutier, originaire de Kuujjuaq, également représentante politique pour les Inuits à différents niveaux, y compris à l’international comme présidente du Conseil circumpolaire inuit. Elle est particulièrement connue en tant que militante écologique engagée dans la lutte aux changements climatiques, une réalité qui touche particulièrement le peuple inuit : fonte des glaces et du pergélisol, dangers d’érosion des côtes et bouleversements de la faune arctique. L’actuelle directrice de la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik, madame Minnie Gray, fait aussi partie de ces personnes d’exception qui ont une longue feuille de route au sein des organisations inuites. Ces femmes ne constituent que quelques exemples de leadership au sein du peuples inuit.

Du côté des Premières Nations et des Autochtones vivant en milieu urbain, il importe de souligner la persévérance manifestée par l’organisme Femmes autochtones du Québec (FAQ) qui a su mobiliser ses troupes en lien avec d’autres groupes de femmes autochtones au Canada pour obtenir la tenue de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assas­sinées. En 2015, FAQ a en particulier rendu publics les résultats d’une enquête exploratoire sur la situation des femmes autochtones disparues ou assassinées ici même au Québec. (FAQ, 2015)

Sur cette affiche grand format située à l’entrée de la communauté algonquine de Pikogan, une photo de Sindy Ruperthouse portée disparue depuis avril 2014.

Credit photo: Pierre Lepage

Une École d’été sur La gouvernance autochtone au féminin est offerte depuis 2017 grâce à un partenariat entre Femmes autochtones du Québec, le Service aux collectivités de l’UQAM et la Faculté de science politique et droit de l’UQAM. Ce programme intensif d’une durée de deux semaines regroupe à la fois des femmes détenant une expérience de leadership que des participantes plus jeunes démontrant déjà leur leader- ship. Sur cette photo, les participantes à la session 2018 sont réunies en compagnie de la chargée de cours huronne-wendat, madame Isabelle Picard.

Credit photo: UQAM

La communauté algonquine de Kitigan Zibi,
Un exemple de prospérité et de dynamisme

La Commission de développement économique des Premières Nations du Québec et du Labrador (CDEPNQL), présente la communauté Kitigan Zibi, située à proximité de la Ville de Maniwaki en Outaouais, comme particulièrement prospère et dynamique. Avec une population, en 2017, de 3 241 membres inscrits, elle est la plus populeuse parmi les 11 communautés algonquines au Canada dont 9 sont situées au Québec. Elle compte en outre plus de 50 entreprises autochtones sur le territoire de la réserve et plus de 30 entreprises hors réserve. (CDEPNQL, 2017)

William Commanda est photographié ici en juillet 2009 à l’occasion de son rassemblement annuel à Kitigan Zibi. Il est entouré de Linda Sioui et de Pierre Lepage qu’il avait invités pour partager le fruit de leurs recherches sur le Gouvernement de la Nation indienne de l’Amérique du Nord.

Credit photo: Pierre Lepage

Le Centre culturel de Kitigan Zibi.

Credit photo: Pierre Lepage

Si cette communauté a raison de regarder vers l’avenir avec confiance et fierté, elle porte tout autant un grand respect pour son passé et le chemin tracé par les anciens. Inauguré en décembre 2005, le Centre culturel Kitigan Zibi Anishnabeg présente des expositions et des artefacts en lien avec l’histoire et la culture algonquine. Le centre rend aussi hommage à des personnalités issues de la communauté de Kitigan Zibi, tel William Commanda (1913-2011), aîné algonquin, leader spirituel, homme de paix et grand défenseur de l’environnement, de la terre mère comme il le précisait souvent. Celui qui était surnommé grand-père a aussi été un homme politique d’envergure. Chef de la communauté de Kitigan Zibi de 1951 à 1970, il a été choisi comme chef suprême du Gouvernement de la nation indienne de l’Amérique du Nord, mouvement politique dont nous avons parlé dans Un objectif avoué d’assimilation. Le centre culturel rend aussi hommage à d’autres personnalités remarquables issues de la com­munauté, dont le joueur de hockey Gino Odjick. Ce dernier, souvent appelé « l’homme fort des Canadiens de Montréal », a évolué pendant 15 saisons dans la Ligue nationale de hockey (LNH) dont huit avec les Canucks de Vancouver et deux avec le club Canadien. Il est une grande source d’inspiration pour les jeunes de Kitigan Zibi, mais aussi pour tous les jeunes des Premières Nations.