La mobilisation des institutions d’enseignement

Que ce soit au niveau collégial ou universitaire, la mobilisation des institutions d’enseignement pour le soutien des étudiants autochtones est bien réelle. En 2016, la Fédération des cégeps a mis sur pied son Comité sur la réussite des étudiants autochtones au collégial (CRÉAC). Selon la Fédération, « plus de la moitié des 48 cégeps sont à l’heure actuelle en mesure d’affirmer qu’ils accueillent des étudiants autochtones et, par conséquent, qu’ils leur offrent des services particuliers. » (Fédération des cégeps. 2017) Outre l’Institution Kiuna, certains cégeps accueillent des cohortes importantes d’étudiants autochtones. C’est le cas du Cégep Montmorency, un collège situé à Laval qui accueille, du côté francophone, un noyau important d’étudiants inuits. Du côté anglophone, le Collège John Abbott situé dans l’ouest de Montréal a accueilli, en 2017, un groupe de 18 étudiants originaires du Nunavik dans le cadre du programme Nunavik Sivunitsavut, élaboré conjointement par le Cégep John Abbott et la Commission scolaire Kativik. Particularité importante, les étudiants « en apprendront plus sur la politique et la gouvernance de leur peuple, sur la littérature circumpolaire ou encore sur l’archéologie, les archives et les traditions orales. Des questions internationales contemporaines seront aussi abordées, d’un point de vue inuit. » (Yvon, 2017) Certains cours sont également offerts en langue inuktitute.

Dès les années 1970, les universités McGill et UQAC ont joué un rôle clé dans le processus de prise en charge des écoles et dans la formation d’enseignants autochtones. D’autres universités se sont depuis dotées de mesures visant une meilleure intégration des réa­lités autochtones dans leurs programmes d’études et dans leurs champs de recherche en même temps qu’une préoccupation plus grande pour favoriser la diplomation d’étudiants autochtones.

En 2016, la capitaine Melissa Haney est devenue la première femme inuite à occuper le poste de pilote et commandante de bord sur un appareil commercial au Canada. Pour célébrer le rôle qu’ont joué des femmes dans l’histoire de l’aviation au Canada, l’organisation Canadian Ninety Nines a émis en 2017 un timbre à son effigie. À l’emploi d’Air Inuit, madame Haney est originaire du village d’Inukjuak situé sur les rives de la Baie-d’Hudson. Elle a notamment terminé ses études collégiales au collège John Abbott de Montréal. Elle est d’une grande source d’inspiration pour la jeunesse inuite et pour l’ensemble des jeunes autochtones.

Credit photo: http://canadian99s.com/

Première cohorte d’étudiants-es de niveau collégial à intégrer, au collège John Abbott de Montréal, le programme Nunavik Sivunitsavut, élaboré en collaboration avec la Commission scolaire Kativik. Les cours développés per­mettront à ces jeunes inuits d’en apprendre plus sur leur propre histoire, leur langue et leur culture, des contenus qui ne sont pas offerts dans le système d’éducation québécois de niveau collégial.

Credit photo: Commission scolaire Kativik

L’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue en est un bon exemple. Bénéficiant d’une position géographique avantageuse, l’UQAT s’est distinguée par une relation privilégiée avec le milieu autochtone et une écoute attentive des besoins de formation exprimés par les communautés. L’université a mis en place son Service Premières Nations composé d’une équipe dédiée au soutien des étudiants autochtones et à l’écoute de leurs besoins particuliers que ce soit sur les plans scolaire, personnel ou culturel. En 2016, l’UQAT s’est dotée d’une École d’études autochtones qui offre des programmes de 1er et de 2e cycles ainsi que des sphères de recherches développées en étroite collaboration avec le milieu autochtone. Alors que certains programmes d’études s’adressent spécifiquement à une clientèle autochtone, d’autres, tel le Certificat en études autochtones, sont offerts à toute personne intéressée à mieux connaitre les réalités des Premiers Peuples. En outre, le service de formation continue de l’UQAT offre des cours sur mesure aux entreprises ou organisations préoccupées par les réalités autochtones et désireuses de développer des services mieux adaptés à ces populations.

Le Pavillon des Premiers Peuples de l’UQAT, à Val-d’Or.

Credit photo: Pierre Lepage

De côté de l’Université Concordia, à Montréal, le Centre de ressources pour les étudiantes et étudiants autochtones accueille, depuis 25 ans, une clientèle issue des communautés autochtones et leur fournit un soutien pour faciliter leur parcours académique. L’université offre entre autres une majeure et une mineure en Étude des Peuplesautochtones et l’enseignement de langues autochtones y est offert. Le corps professoral de l’établissement compte neuf personnes d’origine autochtone ainsi que deux gestionnaires autochtones. En 2018, répondant à l’appel à l’action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, Concordia a franchi une nouvelle étape en créant son Centre culturel autochtone. (Concordia University, 2018)

Présence d’un shaputuan et visite d’une équipe de l’Institut Tshakapesh à l’occasion d’une Semaine autochtone à l’Université de Montréal.

Credit photo: Pierre Lepage

En somme, que ce soit à l’Université du Québec à Montréal, à l’Université de Montréal, à l’Université Laval, à l’Université du Québec à Trois-Rivières ou ailleurs, l’accueil et l’intégration des étudiants autochtones figurent désormais parmi les priorités. Même préoccupation au niveau du développement de programmes d’études et de la recherche relatives aux premiers peuples.

Suzy Basile, anthropologue et docteure en sciences de l’environnement

C’est d’abord en anthropologie que Suzy Basile a débuté ses études universitaires, au baccalauréat puis à la maîtrise. Au sein des communautés des Premières Nations, les anthropologues n’avaient pas toujours bonne presse. Ils étaient perçus le plus souvent comme des chercheurs de passage, « ceux qui posent beaucoup de questions » disait-on, intéressés à recueillir le maximum de données pour leurs propres recherches, mais qui disparaissaient à un moment ou l’autre en ne laissant rien en retour aux communautés. En d’autres termes, pour reprendre les mots de Suzy Basile, bien des chercheurs, pas seulement en anthropologie d’ailleurs, semblaient plus intéressés à « enrichir leur curriculum vitae » qu’à faire bénéficier les communautés du fruit de leurs travaux. Très tôt dans sa carrière la jeune anthropologue Basile a décidé de changer les choses car il lui apparaissait que certaines pratiques n’étaient plus acceptables. Ses travaux ont mené l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador à adopter, en 2005, un Protocole de recherche en milieu autochtone, document qui a été mis à jour depuis. (APNQL, 2014) Dans les années qui suivirent, elle a contribué à l’organisation de trois séminaires sur l’éthique de la recherche avec les Peuples autochtones. (Asselin et Basile, 2012)

Suzy Basile, UQAT, 2013.

Credit photo: Pierre Lepage

Par la suite, madame Basile a complété, en 2016, un doctorat en sciences de l’environnement de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT). Elle est ainsi devenue la première autochtone à obtenir un diplôme de 3e cycle au sein de cette université et du même coup, la première personne au sein de la Nation atikamekw à atteindre ce niveau d’études supérieures. La thèse de doctorat de Suzy Basile portait d’ailleurs sur Le rôle et la place des femmes Atikamekw dans la gouvernance du territoire et des ressources naturelles. Madame Basile poursuit aujourd’hui sa carrière comme professeure à l’École d’études autochtones de l’UQAT.

This site is registered on wpml.org as a development site. Switch to a production site key to remove this banner.