En visualisant la carte des traités
Au Canada, dans les relations avec les peuples autochtones, il existe deux types de traités : ceux dits de paix et d’amitié et ceux dits territoriaux, c’est-à-dire ceux touchant plus spécifiquement les terres et les titres fonciers.
Dans l’esprit du gouvernement, les traités territoriaux avaient pour objectif d’éliminer tout obstacle à la colonisation et d’inciter les membres des Premières Nations à abandonner leurs terres, leurs modes de vie et à s’assimiler.
Des accords de nation à nation
Les traités ne consacrent pas une défaite ou l’assujettissement. Les signataires ne renoncent pas à leur identité nationale, ni à leur façon de vivre, de travailler et de se gouverner. Ils reconnaissent plutôt leur désir commun de vivre dans la paix et l’harmonie, conviennent de règles de coexistence, puis s’efforcent de remplir leurs engagements les uns envers les autres.
La majorité des Premières Nations
Ainsi une personne dira : Je suis de la Première nation naskapie de Kawawachikamach, ou je suis de la Première nation Atikamekw de Manawan ou Première nation Mohawk d’Akwesasne etc. marquant ainsi à la fois sa nation d’appartenance et son lieu d’origine ou de résidence.
Plusieurs Québécois ressentent une certaine angoisse et même une certaine culpabilité en découvrant qu’ici les questions relatives aux titres fonciers des Autochtones
Au Québec, on reconnaît l’existence de 11 nations autochtones : Abénaquis (Waban-Aki), Algonquins (Anishnabeg), Atikamekw Nehirowisiwok, Cris (Eeyou), Hurons-Wendat, Inuit, Malécites (Wolastoqiyik), Mi’gmaq (Micmacs), Mohawks (Kanien’kehá:ka), Innus (Montagnais) et Naskapis. Dans tout le Canada, on parle de près d’une soixantaine de nations autochtones.
Les Abitibiwinnik et le Traité no 9, un cas d’exception
Un grand nombre d’aînés vivant aujourd’hui dans la com- munauté algonquine de Pikogan, près d’Amos, viennent du Lac Abitibi. Ce très grand lac est situé de part et d’autre de la frontière séparant le Québec et l’Ontario. Les anciens racontent que tous les printemps, les Abitibiwinnik quittaient leurs territoires de chasse pour se rendre au Lac Abitibi :
Ils se rendaient alors à la pointe Apitipik afin d’y passer l’été. C’est là que les familles réaffirmaient leur appartenance au groupe ainsi qu’à la tradition Abitibiwinnik, en y célébrant des mariages et en négo- ciant des alliances politiques, comme les différents traités qui ont marqué leur histoire. À l’automne, ils retournaient sur leurs terrains de chasse respectifs.
C’est précisément en ce lieu de rassemblement, à la pointe Apitipik, située au Québec, que les Abitibiwinnik (appelés à l’époque le groupe Abitibi-Dominion) ont adhéré au Traité no 9, le 7 juin 1906. Toutefois, les dispositions du traité n’allaient toucher, dans les faits, que les familles ayant leur territoire du côté de l’Ontario. C’est ainsi fut créée la réserve ontarienne de Wahgoshig. Le gouvernement du Québec refusa de reconnaitre la validité du traité et de participer aux discussions. Devant le mécontentement des familles de l’Est, les commissaires chargés de conclure le traité au nom du gouvernement du Canada, n’eurent d’autres choix que de promettre l’établissement d’une réserve du côté québécois soit l’octroi d’un territoire d’un mille-carré par famille de cinq. Cela représentait un total de 34 milles carrés. Cette promesse ne fut jamais honorée.
Finalement, dans les années 1950, les pressions de la colonisation de même que le développement forestier et minier forcèrent les familles à quitter les alentours du Lac Abitibi. Le gouvernement fédéral fit l’achat de la terre d’un fermier pour y établir la nouvelle réserve, un territoire minuscule ne couvrant que quelques arpents. C’est ainsi que fut créée la réserve de Pikogan. En 1955, l’ouverture du Pensionnat indien
En 1996, la Commission des lieux et monuments historiques du Canada a désigné le site de la Pointe Apitipik lieu historique national.
Le Québec s’engage dans la voie des traités
En 1923, la signature du Traité no 9 couvrant la partie nord de l’Ontario, marquait la fin d’une époque. Pendant plus de cinquante ans, aucun nouveau traité ne sera conclu. La politique du gouvernement du Canada a consisté à ignorer les droits ancestraux
En 1975, après un long conflit politique et juridique entourant le développement hydroélectrique de la Baie-James, le Grand Conseil des Cris du Québec et L’Association des Inuits du Nouveau-Québec concluaient une entente avec le Gouvernement du Québec, le Gouvernement du Canada, et trois sociétés d’État, la Société de développement de la Baie-James, la Société d’énergie de la Baie-James et Hydro-Québec. La Convention de la Baie-James et du Nord québécois devenait ainsi le premier traité de l’ère moderne mais aussi, le premier règlement à intervenir au Québec, en ce qui a trait aux terres et aux titres fonciers autochtones. En 1978, une entente de même nature intervenait avec les Naskapis de Schefferville sous le nom de Convention du Nord-Est québécois.
Outre le versement d’indemnités financières importantes, ces conventions ont prévu l’établissement d’un régime de chasse et pêche visant à mieux protéger les droits des Inuits, des Cris et des Naskapis. Des droits prioritaires ou même exclusifs leur ont été reconnus. Les ententes ont permis notamment l’établissement d’un programme innovateur de revenu annuel garanti pour les chasseurs et piégeurs. Les Autochtones signataires ont cherché, en particulier, à faire en sorte que le développement des régions nordiques se fasse désormais en concertation avec les nations autochtones touchées. La protection de l’environnement, la faune et la flore ont fait l’objet de préoccupations spéciales et des comités conjoints ont été créés. La Convention de la Baie-James et du Nord québécois a donné lieu à l’application de mesures correctrices afin de réduire l’impact négatif des travaux liés au développement hydroélectrique. On y a prévu le déménagement de la communauté
La persistance d’une vieille pratique coloniale
Traités anciens et traités modernes ne souffrent d’aucune comparaison, sauf sur un point fondamental. Tout comme les traités numérotés de la Confédération, ces deux conventions prévoient l’extinction préalable de tous les « droits, titres et intérêts » autochtones quels qu’ils soient sur les terres et dans les terres concernées. En échange de cette extinction de droits ancestraux, les nations signataires se sont vues reconnaître des droits et privilèges dont il est fait partiellement mention au paragraphe précédent. Jusqu’à maintenant, aucun règlement n’était possible si la partie autochtone refusait de se soumettre à la procédure d’extinction.
En 1978, la Commission québécoise des droits de la personne a dénoncé cette pratique d’extinction qu’elle jugeait contraire au droit à l’égalité. Elle a aussi remis en question le fait que la Convention de la Baie-James et du Nord québécois éteignait en plus les droits fonciers de nations qui n’étaient pas partie à l’entente mais dont les terres ancestrales chevauchent le territoire visé (Algonquins, Atikamekw, Innus du Québec et du Labrador et Inuits du Labrador). La Commission royale sur les peuples autochtones a recommandé l’abandon de cette pratique d’extinction. Il y a quelques années, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies jugeait cette pratique incompatible avec l’article 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui assure le droit inaliénable de tous les peuples de disposer d’eux-mêmes et de disposer librement de leurs richesses naturelles (Nations Unies, 1999).
Les traités d’aujourd’hui représentent une occasion unique de rétablir la dignité des premiers peuples, de corriger certaines erreurs du passé et d’entrevoir un avenir commun dans la paix et l’harmonie. D’autres développements récents semblaient indiquer que nous allions dans la bonne voie. Toutefois, le piétinement des négociations actuelles, au Québec, préoccupe grandement les Premières Nations concernées.