Les traités Robinson, un rappel à l’ordre

En 1850, Sir William B. Robinson va conclure au nom de la Couronne britannique deux importants traités avec les Ojibwas du Lac Supérieur et ceux du Lac Huron. Ces traités porteront les noms de traités Robinson-Supérieur et Robinson-Huron.

La Couronne avait osé concéder des terres et des droits miniers au nord des lacs Huron et Supérieur, sans le consentement des Ojibwas. Ces derniers protestèrent et adressèrent des pétitions. Leurs réclamations étant ignorées, les Ojibwas de la région de Sault-Sainte-Marie passent aux actes en 1849. Ils occupent une mine et mettent les mineurs à la porte (Richardson, 1987 : 24). Rappelée à l’ordre, la Couronne comprit alors l’urgence de se conformer à la procédure prévue dans la Proclamation royale de 1763. Elle n’avait pas le choix. La paix était essentielle à la colonisation et au développement de l’industrie. Il fallait conclure des traités. C’était l’évidence même et une question de savoir-vivre aussi.

Portrait d’un groupe d’Ojibwas, 1916, Long Lake (Ontario).

Credit photo: Musée des civilisations, photo F. W. Waugh, MCC 36751

Les traités Robinson deviendront déterminants pour la suite des événements. Ce sont eux qui serviront de modèle pour les grands traités qui vont suivre la colonisation vers l’Ouest après la création de la Confédération canadienne en 1867.

Louis riel et de la révolte des métis

En 1670, le roi d’Angleterre concédait à la Compagnie de la Baie d’Hudson le monopole de la traite des fourrures sur un immense territoire appelé Terre de Rupert. Ce territoire couvrait l’ensemble du bassin hydrographique de la baie d’Hudson et s’étendait, vers l’Ouest, jusqu’aux Rocheuses. Dans ces régions, les nombreux mariages entre commerçants de fourrures et femmes autochtones ont favorisé avec le temps l’émergence d’une identité et d’une culture particulière, celle des Métis. Dans les Prairies, une langue proprement métisse s’est développée, le michif, mélange de français et de plusieurs langues autochtones. « Certains Métis ont formé des établissements permanents autour de postes de traite. La chasse au bison a aussi joué un rôle important dans l’organisation d’autres groupes métis plus mobiles. » (Commission royale, 1996 : 109)

En 1869, tout juste après la Confédération, la Compagnie de la Baie d’Hudson vendit ses droits sur la Terre de Rupert au gouvernement du nouveau Dominion, sans que les Métis et les tribus autochtones ne soient informés du sort qu’on leur réservait. En plus, alors que la transaction d’achat n’était pas encore complétée, des caravanes entières de colons venant de l’Est furent acheminés pour s’emparer de terres de bonne qualité. Craignant l’avènement d’une société agricole, sentant leur mode de vie menacé et leurs terres envahies, « les Métis, sous la direction de Louis Riel, expulsèrent, en 1869, une équipe d’arpenteurs envoyés par le « gouvernement du Canada pour tracer des routes à l’intention des colons. » (Canada, Affaires indiennes, 1997 : 81)

Le gouverneur nouvellement nommé pour voir à l’administration du territoire fut interdit d’entrée. Les événements se sont alors précipités, et le comptoir de la Baie d’Hudson à Fort Garry, fut occupé par les Métis. En position de force, les Métis mirent sur pied un gouvernement provisoire et adoptèrent une Déclaration des droits, réclamant notamment que les territoires connus sous les noms de Terre de Rupert et du Nord-Ouest, ne puissent entrer dans la confédération sauf à titre de province. Le gouvernement dut entamer des négociations qui aboutirent en 1870 à l’adoption de l’Acte du Manitoba. Malheureusement, un prisonnier détenu par le gouvernement provisoire des Métis avait été exécuté et le gouvernement du Dominion envoya ses troupes au Manitoba. La promesse d’amnistie faite au cours des négociations ne fut pas tenue et Louis Riel dut s’enfuir.

Gravure de Louis Riel, 1873.

Credit photo: L’Opinion publique, coll. Pierre Lepage

L’Acte du Manitoba prévoyait l’octroi de terres aux Métis. Il y avait cependant loin de la promesse aux actes. Mécontents, les Métis rappelèrent Louis Riel qui s’était réfugié aux États-Unis et la rébellion éclata en 1885. Cette fois-ci, les chefs cris Big Bear et Poundmaker rallièrent leur peuple et s’unirent aux forces de Riel. Malheureusement, des colons furent tués au cours d’un affrontement impliquant les troupes de Poundmaker. Le gouvernement canadien envoya alors 8 000 soldats dans l’Ouest et la rébellion fut rapidement réprimée. « Riel fut accusé de trahison en 1885, et condamné à mort. Les chefs indiens Big Bear et Poundmaker furent emprisonnés pendant deux ans, et huit Autochtones furent pendus. » (Canada, Affaires indiennes, 1997 : 85)

L’histoire nationale a surtout retenu de la colonisation de l’Ouest canadien l’épisode de Louis Riel et de la révolte des Métis, laissant complètement à l’arrière plan la conclusion des grands traités avec les Premières Nations. Néanmoins Louis Riel demeure le symbole d’une résistance aux politiques du fait accompli et d’une lutte acharnée contre les visées d’assimilation.

Les traités Robinson impliquent d’abord des territoires considérables en étendue. Cela est nouveau. Autre nouveauté, selon les termes de ces traités, les Autochtones signataires renoncent à leurs titres fonciers en échange de portions de territoires qui sont désormais réservés pour leur usage exclusif. On y prévoit donc la création de vingt petites réserves. De cette façon les fameuses « réserves indiennes » deviendront un élément indissociable des grands traités qui vont suivre.

La petite histoire du traité no 6 : des indiens hostiles bloquent la construction de la ligne du télégraphe

Les faits débutent en 1873. Le gouvernement du Canada tarde à conclure des traités avec les Premières Nations de l’Ouest. Un membre de la Commission géologique est sommé de mettre un terme à ses activités par un groupe d’Autochtones hostiles. L’année suivante, le gouvernement fédéral autorise des contrats pour la construction de la ligne du télégraphe entre Thunder Bay en Ontario et Cache Creek en Colombie-Britannique. Il s’agit d’une ligne pionnière en vue de la construction du chemin de fer du Canadien Pacifique. Les autorités font de nouveau la sourde oreille aux avis pressants qui leur sont transmis indiquant que des troubles pouvaient être envisagés si l’équipe du télégraphe se dirigeait à l’ouest avant qu’un traité soit conclu.

Les chefs cris Mis-ta-wa-sis et Ah-tuk-u-koop et leurs troupes passent aux actes en juillet 1875. Ils empêchent l’équipe de construction du télégraphe d’aller plus loin, près du tournant de la rivière Saskatchewan-Nord, et ils arrêtent aussi l’équipe de la Commission géologique engagée dans l’exploration de sites favorables au forage de minéraux et de pétrole. Le train transportant l’équipement requis par l’équipe du télégraphe est rejoint près de Fort Carleton, et le responsable est sommé d’ordonner l’arrêt des travaux et avisé de ne couper, à l’ouest de la rivière Saskatchewan-Sud, aucun arbre devant servir comme poteau de télégraphe.

Gravure du chef Abraham Mikaskokiséin, signataire du traité no 6.

Credit photo: L’Opinion publique, coll. Pierre Lepage

Une équipe travaillant plus à l’est rencontre aussi des difficultés. Vingt-cinq tentes autochtones sont érigées à proximité des travaux : les protestataires réclament des versements en argent pour les terres utilisées et le bois coupé, compte tenu qu’ils ne sont partie à aucun traité. Leur chef réclame le paiement de 50 sous par poteau. Il menace de faire détruire la ligne construite, si le paiement réclamé n’est pas effectué.

Ces actions ont un résultat immédiat. Un émissaire du gouvernement est dépêché dans la région. Celui-ci est un missionnaire méthodiste connu et très respecté. Il apporte la promesse du gouvernement de conclure un traité l’année suivante. Les Cris de l’Ouest acceptent la proposition et rappellent leurs guerriers et les travaux reprennent rapidement. L’année suivante, au cours de l’été 1876, un traité est effectivement conclu avec les Cris des Prairies, le traité no 6.

(Événements rapportés dans Ronaghan, 1976)

Il faut comprendre que la Couronne cherche à tout prix à obtenir le consentement des populations des Premières Nations. Cela est loin d’être acquis. Voilà pourquoi les commissaires des traités donneront désormais l’assurance aux collectivités autochtones signataires qu’elles pourront continuer à exercer leurs activités de chasse et de pêche même sur les terres cédées qui ne sont pas encore requises à des fins de colonisation. On leur garantit donc, du moins verbalement, qu’au lendemain de la signature du document, elles pourront continuer à vivre « comme avant ». Pourquoi donc refuser de signer un traité qui garantit la protection de la Couronne et la possibilité de vivre comme avant. La confusion et la méprise s’installent.

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