La Proclamation royale de 1763 est, en fait, la première constitution du pays. Une constitution, c’est un ensemble de textes fondamentaux qui déterminent la forme du gouvernement d’un pays. C’est donc là que nous retrouvons le fondement ou les bases historiques de nos relations avec les peuples autochtones
Au Québec, on reconnaît l’existence de 11 nations autochtones : Abénaquis (Waban-Aki), Algonquins (Anishnabeg), Atikamekw Nehirowisiwok, Cris (Eeyou), Hurons-Wendat, Inuit, Malécites (Wolastoqiyik), Mi’gmaq (Micmacs), Mohawks (Kanien’kehá:ka), Innus (Montagnais) et Naskapis. Dans tout le Canada, on parle de près d’une soixantaine de nations autochtones.
D’ailleurs les plus hauts tribunaux du pays ont souvent fait référence à cette Proclamation comme étant la « Magna Carta », la Grande Charte des droits des Autochtones. Bien des chefs autochtones l’ont aussi considérée dans les mêmes termes.
Si certaines dispositions de cet édit royal ne sont plus valides aujourd’hui (la délimitation de la colonie de Québec telle qu’elle existait en 1763, par exemple), les clauses relatives aux Autochtones, elles, n’ont jamais été abolies. Elles ont donc, dans le jargon juridique, toujours force de loi au Canada. Or les traités
Au Canada, dans les relations avec les peuples autochtones, il existe deux types de traités : ceux dits de paix et d’amitié et ceux dits territoriaux, c’est-à-dire ceux touchant plus spécifiquement les terres et les titres fonciers.
Dans l’esprit du gouvernement, les traités territoriaux avaient pour objectif d’éliminer tout obstacle à la colonisation et d’inciter les membres des Premières Nations à abandonner leurs terres, leurs modes de vie et à s’assimiler.
Vu l’importance du document, rien d’étonnant que des textes récents y fassent référence. La Charte canadienne des droits et libertés adoptée en 1982, par exemple, parle des « droits et libertés issus de la Proclamation royale de 1763 » et des « droits et libertés issus de traités » (art. 25). De son côté, la Constitution canadienne de 1982 reconnaît et confirme les « droits existants – ancestraux ou issus de traités – des peuples autochtones du Canada… » (partie II de la Constitution).
En somme ces documents d’époque, aussi vieux soient-ils, gardent toute leur actualité. Des documents récents confirment leur valeur et leur importance. Ce n’est donc pas par opportunisme que les Autochtones y font référence. Il s’agit du fondement constitutionnel de nos relations avec eux. N’ont-ils pas raison de nous rafraîchir la mémoire?
Mais qu’y a-t-il de si important dans le précieux document de 1763? La Proclamation reconnaît avant tout les peuples autochtones comme des sociétés organisées avec qui il faut négocier des traités. Les éléments-clés du document sont les suivants : la reconnaissance d’un statut de « nations
C’est ainsi que les vœux exprimés par le roi George III vont donner lieu à la conclusion de nombreux traités et d’actes de cession touchant les terres autochtones. C’est précisément ce qui va se passer après la création de la Confédération canadienne en 1867. Car la formation d’un si vaste pays ne pouvait être réalisée sans des négociations ou même une forme de consentement de la part des Premières Nations
Ainsi une personne dira : Je suis de la Première nation naskapie de Kawawachikamach, ou je suis de la Première nation Atikamekw de Manawan ou Première nation Mohawk d’Akwesasne etc. marquant ainsi à la fois sa nation d’appartenance et son lieu d’origine ou de résidence.
N’oublions pas que les Autochtones ne sont pas les seuls à se référer à des documents très anciens pour affirmer leur caractère distinct. Pour les Québécois francophones en particulier, l’Acte de Québec de 1774 est une référence aussi importance dans l’histoire de leurs institutions politiques et juridiques que l’est, pour les Autochtones, la Proclamation royale de 1763. Rappelons-nous que, malgré la conquête anglaise, c’est l’Acte de Québec qui a assuré aux colonies canadiennes-françaises leur liberté de culte et a permis de rétablir en particulier les lois civiles françaises. Rien de mal, en somme, à bien connaître son histoire. Et c’est par la Proclamation royale de 1763 que fut créée la première colonie de Québec.
Extraits de la Proclamation royale
7 octobre 1763
… Attendu qu’il est juste, raisonnable et essentiel pour notre intérêt et la sécurité de nos colonies de prendre des mesures pour assurer aux nations ou tribus sauvages qui sont en relations avec nous et qui vivent sous notre protection, la possession entière et paisible des parties de nos possessions et territoires qui ont été ni concédées ni achetées et ont été réservées pour ces tribus ou quelques unes d’entre elles comme territoires de chasse…
Attendu qu’il s’est commis des fraudes et des abus dans les achats de terres des sauvages au préjudice de nos intérêts et au grand mécontentement de ces derniers, et afin d’empêcher qu’il ne se commette de telles irrégularités à l’avenir et de convaincre les sauvages de notre esprit de justice et de notre résolution bien arrêtée de faire disparaître tout sujet de mécontentement. Nous déclarons de l’avis de notre conseil privé, qu’il est strictement défendu à qui que ce soit d’acheter des sauvages des terres qui leur sont réservées dans les parties de nos colonies où nous avons cru à propos de permettre des établissements; cependant si quelques uns des sauvages, un jour ou l’autre, devenaient enclins à se départir desdites terres, elles ne pourront être achetées que pour nous, en notre nom, à une réunion publique ou à une assemblée des sauvages qui devra être convoquée à cette fin par le gouvernement ou le commandant en chef de la colonie dans laquelle elles se trouvent situées.