L’émergence d’une élite intellectuelle

Dans la foulée du Mouvement de prise en charge, le Collège Manitou, premier collège autochtone au Québec, a vu le jour en 1973. L’institution allait regrouper des étudiants des Premières Nations, mais aussi des Inuits et des Métis. La vie du collège fut intense et emballante. Malheureusement, elle fut de courte durée. Même si l’institution ferma ses portes 3 ans après son ouverture, son influence fut considérable. Dans son récent documentaire intitulé L’éveil du pouvoir, le cinéaste René Sioui-Labelle retrace comment cet établissement d’enseignement favorisa l’émergence de toute une génération de leaders, dont le chef actuel de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard. L’anthropologue Pierre Trudel, qui a publié en 2009 une série d’entretiens avec le chef Picard, insiste également sur le rôle crucial de cette institution d’enseignement. D’entrée de jeu, le chef Picard se remémore l’atmosphère qui régnait dans ce tout premier collège autochtone au Canada :

C’est dans les années 1970, au Collège Manitou, qui réunissait entre 700 et 800 Autochtones à La Macaza, dans les Laurentides, que s’est produit pour moi le choc de la rencontre des multiples identités amérindiennes. Les élèves du collège provenaient de partout au Canada, même des États-Unis. Ce fut un réveil total. Autant pour la diversité amérindienne que pour ce que nous avions en commun.

Trudel, 2009 : 20

Évelyne St-Onge (à droite sur la photo), de Mani-utenam sur la Côte-Nord, a fréquenté le Collège Manitou. Elle fait partie du groupe de femmes qui a fondé, en 1974, l’Association des femmes autochtones du Québec (FAQ). En novembre 2015, l’Université du Québec à Montréal lui a décerné un doctorat honoris causa, pour sa contribution exceptionnelle au développement de la nation innue et de l’ensemble des nations autochtones. Elle est photographiée ici en présence de l’honorable Jody Wilson-Raybould, alors ministre de la Justice et procureur général du Canada qui était de passage à Sept-Îles.

Credit photo: Évelyne St-Onge (2015)

Plusieurs personnalités publiques, dont Lise Bastien, directrice actuelle du Conseil en éducation des Premières Nations (CEPN), Bernard Hervieux, qui fut directeur général jusqu’en 2014 de la Société de commu­nication Atikamekw-Montagnais (SOCAM) et plusieurs autres furent parmi les étudiants du Collège Manitou. De nombreuses fondatrices de l’association Femmes autochtones du Québec (FAQ) sont issues également du collège. Pour n’en nommer que quelques-unes : Sylvia Watso et la militante Monique Sioui (1951-1997), toutes deux de la nation abénaquise, Évelyne St-Onge et Mérilda St-Onge, de la nation innue et bien d’autres auront profondément été marquées par leur court passage au collège et vont demeurer des femmes profondément engagées au sein de leurs communautés et à l’extérieur. Comme le faisait remarquer Pierre Trudel, c’est là que se rencontrèrent plusieurs de celles et de ceux qui formeront une certaine élite intellectuelle amérindienne et qui aujourd’hui occupent des postes de commande. (ibid. : 13)

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